La phase deux est achevée, la trois commence avec la pièce maîtresse, la Porterie. Le Palais Ducal se refait décidément une jeunesse.
La Tour de l'Horloge avait ouvert le ban en 2005. Façades, couverture et flèche sont désormais refaites telles qu'elles étaient à la fin... du 19ème siècle. Car malheureusement, il ne reste plus grand-chose du Palais ducal original. Juste sa partie sud, dont une moitié vient d'être restaurée. Elle est facile à reconnaître depuis la Grand-rue, séparée qu'elle est de la partie nord (prochaine tranche de travaux) par un mur de refend surmonté d'un pinacle à partir duquel court une crête de fer forgé agrémentée de dorures.
Au nord, c'est la partie Prosper Morey, architecte de la basilique Saint-Epvre, au sud celle de Boeswillwald, l'architecte des Monuments historiques de l'époque. « Ils n'étaient d'accord sur rien, chacun cherchant à tirer la couverture à soi », s'amuse le lointain « ACMH » successeur de ce dernier, Pierre-Yves Caillault. Tous deux avaient été pressentis pour la reconstruction après le désastreux incendie de 1871, qui ravagea la Galerie des Cerfs et calcina l'intégralité de la charpente en bois. Mais le parti intelligent de reconstruire en respectant les pentes des toits, et l'esprit des bâtisseurs de la Renaissance du Palais ducal revu et amélioré par René II et le duc Antoine fut une réussite. Car il faut un œil bien exercé pour savoir quelles sont les parties authentiques et les interprétations néo-Renaissance des deux hommes de l'art du 19ème. Prosper Morey a plus travaillé les façades et son collègue les toits, même si ce dernier a fait sculpter une statue équestre du duc Antoine, pour combler le vide dans la Porterie de 1511 laissé par la Révolution. L'original vandalisé avait été sculpté par Mansuy Gauvain (auteur de la Vierge au Manteau de Notre-Dame de Bonsecours entre autres), le tout inspiré de la Porterie du château de Blois.
Une facilité pour la restauration de cette statuaire : il existe une copie 19ème de la Porterie au Palais de Chaillot à la Cité de l'architecture et du Patrimoine, ce qui est pratique pour restituer des parties aujourd'hui abîmées.
Pour les toits, le parti avait été pris d'une charpente métallique, innovation technique à l'époque, qui promettait d'être moins inflammable. La pente, par contre ne changeait pas et extérieurement, le Palais n'a pas été trahi dans ses volumes extérieurs, mais devenait accessible à la vue côté jardin, grâce à la grille splendide de la rue Jacquot, en fait un don de la ville de Luxeuil contemporain de la reconstruction.
Chanzy et Pardoux, ainsi que FLB, qui ont le marché de la restauration des maçonneries et taille de pierre procèdent par sablage léger. Le travail sur les façades est achevé par un badigeon.
La phase 3, qui vient de démarrer en ce mois d'août sur la Porterie après la partie galerie des Cerfs consiste à restaurer la couverture, intégralement refaite en ardoise, la charpente métallique plutôt en bon état (par l'entreprise Le Bras), les pierres et les sculptures. La crête de métal sur le faîtage sera refaite, toujours en se fondant sur une gravure du Palais ducal de Claude Deruet au 16ème.
La galerie sur voûte d'arêtes de style gothique tardif côté jardin a été l'occasion de retrouver un faux appareillage de brique ... authentique.
Explication : lors de la construction, à la Renaissance, le remplissage des voûtes a été peint en rouge, et des joints blancs ont été passés dessus pour donner l'impression de briques. Avec le temps, la première couche est partie, soit le rouge du fond et le blanc des joints. Mais le rouge sous le joint blanc est resté, gardant le dessin des fausses briques... On sait tout ça, car on a retrouvé par hasard une partie restée intacte sous un raccord 19ème au début de l'année... Surprise de la restauration ! « Puisqu'on l'a trouvée, on va la restituer partout où c'est possible et compléter les manques «, explique Pierre-Yves Caillault. Un parti identique à celui pris à la cathédrale de Toul, avec l'aide d'un spécialiste des enduits et badigeons, Matei Lazarescu. « C'est amusant, cette mode de peindre un décor de matériaux de construction sur une vraie maçonnerie. Elle est récurrente depuis les Romains. Toutes les époques l'ont pratiquée, y compris la nôtre... » On ajoutera à la fin sur les façades côté rue les descentes d'eau en fonte cannelée peinte.
La façade côté rue sera achevée pour la partie Renaissance au printemps 2009, et pour la partie 19ème (où est l'entrée du musée), au printemps 2010. Il restera alors à s'occuper du jardin et de ses façades. Pour le jardin, et les communs côté Pépinière, les études vont être diligentées. Mais elles sont conditionnées par ce qu'on veut faire du musée, qui doit finir d'être dépoussiéré et modernisé. Petit à petit, le Palais reprend vie. Pour 2012, la Ville, l'Etat et la Région espèrent pouvoir finir cette belle restauration par le clou : la chapelle des Cordeliers et sa chapelle funéraire où sont enterrés nos ducs, même quand ils ont emprunté le nom des Habsbourg.
[d’après L'Est Républicain | 12.09.2008]