En attendant le dévoilement solennel de la Porterie du Palais ducal de Nancy (et Musée lorrain), entièrement restaurée, il était intéressant, grâce aux échafaudages en place, d'en scruter les détails.
Il ne lui manque plus que l'épée. En attendant, le duc mouline dans l'air de son petit poing. « Les Métalliers lorrains vont la lui remettre en place », explique Pierre-Yves Caillault, architecte en chef des Monuments historiques. L'échafaudage de la Porterie est toujours là, pour quelque temps encore, bien que le travail de restauration soit achevé côté façade. On ne dévoilera l'ensemble de la Porterie du Palais ducal, aujourd'hui Musée lorrain, qu'un peu plus tard. Soit avant les grands départs, soit à l'occasion des journées du Patrimoine. Cela dit, les Nancéiens frustrés peuvent déjà revoir les deux pinacles élégamment sculptés typiques de la première Renaissance française, c'est-à-dire avec une ornementation restée largement d'inspiration gothique. La pierre blanche de Meuse est une dentelle de grande finesse que la rénovation a bien respectée. « Nous avons gardé tout ce que nous avons pu. Les parties les plus abîmées ont été resculptées et replacées. Et à l'arrière des pinacles, on a consolidé l'ensemble sans que cela ne se voie. C'est amusant de voir la communauté d'inspirations entre les décors végétaux Art Nouveau du Flo et ce foisonnement gothique... »
Profiter de l'échafaudage encore en place permet de voir des détails qui resteront invisibles pour le passant de la rue. Gargouilles, petits personnages grotesques dont on veut se moquer, et les pinacles faits de végétaux et d'animaux en ronde-bosse, qui peuvent se regarder sous toutes les coutures. La statue équestre du duc Antoine et ses armoiries sont sculptées dans la pierre de Jaumont, légèrement plus ocre. Et c'est tant mieux, car ces deux pièces ont été recréées au XIXe siècle, la Révolution les ayant fracassées. La statue proprement dite est signée Giorné Viard et date de 1851, tandis que les armoiries sont de Reiber (1848). Extraordinaire travail de ce dernier : il n'a pas cherché la facilité, en sculptant au travers de son heaume ajouré le visage du duc Antoine.
Si la réapparition de la Porterie n'est plus qu'une question de jour, les échafaudages viennent de recouvrir l'aile Morey du Palais ducal. Six mois de travaux pour refaire cette section qui date en réalité du XIXe siècle, après l'incendie qui a ravagé entièrement la toiture du Palais. Morey est l'un des lointains prédécesseurs de P.-Y. Caillault. Ensuite, début 2010, on attaquera le Palais côté cour. « Nous espérons pouvoir restituer la galerie extérieure sur croisée d'ogives donnant sur la cour, telle qu'elle était au début du XVIe siècle », explique Denis Grandjean, l'adjoint au patrimoine. Pierre-Yves Caillault et le spécialiste des enduits Mateo Lazarescu y ont fait une remarquable découverte, un enduit peint reproduisant un décor de fausses briques rouges à joints blancs, témoignant du premier état de cette galerie, et en attestant l'authenticité. Car le palais est incroyablement composite. A toutes époques il a été restauré, et il est souvent bien difficile d'attribuer un siècle à telle façade, tel décor... « Au point que notre restauration a été faite dans un parti pris néo-Renaissance. » note P.-Y. Caillault.
Cette restauration coûte 200.000 € et il faut maintenant faire un tour de table pour réunir la somme, sachant que la clé de répartition est toujours la même pour le Musée et Palais ducal : un tiers pour la ville, un tiers pour l'Etat au travers de la Drac, un tiers pour la Région. A titre de comparaison, le coût de restauration des façades est de 1 M €.
A propos, le duc Antoine a régné en Lorraine de 1508 à 1544. Une période plutôt heureuse. Sa statue a présidé aux plus belles heures du duché indépendant. On a donc hâte de la revoir...
[d’après l’Est Républicain | 08.07.09]

Le Palais ducal sera particulièrement à l’honneur avec sa Porterie réalisée d'après le modèle de celle du Château de Blois, mais aussi la Chapelle ronde des Cordeliers, modèle réduit de celle des Médicis à Florence, des hôtels particuliers. Et surtout la Ville neuve de Charles III construite pour l'essentiel du milieu du XVIe siècle à 1630, année où la guerre de Trente Ans fait irruption en Lorraine avec son cortège de malheurs.
La Tour de l'Horloge avait ouvert le ban en 2005. Façades, couverture et flèche sont désormais refaites telles qu'elles étaient à la fin... du 19ème siècle. Car malheureusement, il ne reste plus grand-chose du Palais ducal original. Juste sa partie sud, dont une moitié vient d'être restaurée. Elle est facile à reconnaître depuis la Grand-rue, séparée qu'elle est de la partie nord (prochaine tranche de travaux) par un mur de refend surmonté d'un pinacle à partir duquel court une crête de fer forgé agrémentée de dorures.
Pour les toits, le parti avait été pris d'une charpente métallique, innovation technique à l'époque, qui promettait d'être moins inflammable. La pente, par contre ne changeait pas et extérieurement, le Palais n'a pas été trahi dans ses volumes extérieurs, mais devenait accessible à la vue côté jardin, grâce à la grille splendide de la rue Jacquot, en fait un don de la ville de Luxeuil contemporain de la reconstruction.
La galerie sur voûte d'arêtes de style gothique tardif côté jardin a été l'occasion de retrouver un faux appareillage de brique ... authentique.
Il ne reste plus que quelques échafaudages qui cachent en partie le beau minois du Musée lorrain. On peut donc admirer presque la totalité du nouveau visage de l'édifice séculaire qui s'est offert une sacrée cure de jouvence !