La troisième tranche de restauration de la basilique Saint-Epvre sera achevée fin décembre. Il y aura une pause de deux ans avant la poursuite des travaux.
Ding, dong, fait le bourdon de Saint-Epvre. Les responsables du chantier ainsi que les responsables du patrimoine de la ville se bouchent les oreilles. Normal, ils sont à deux mètres des cloches, cachées juste derrière les abats-sons... Onze heures viennent de sonner, mais ce ne sont assurément pas les artisans de la onzième heure qui sont assemblés en plein ciel nancéien, vingt-neuf mètres au-dessus du parvis pour cette réunion de chantier avec Pierre-Yves Caillault, architecte en chef des Monuments Historiques.
Il s'agit au contraire de jongler avec ce qu'il reste de travail à faire dans les quatre mois, puisque le porche de la basilique doit être débarrassé de ses échafaudages pendant deux ans. Il ne restera que la base vie, au sol, qui sert aussi pour le chantier du Palais ducal tout proche.
On n'en est pas encore là. L’entreprise Chanzy-et-Pardoux ainsi que les Métalliers lorrains s'activent derrière les échafaudages pour remplacer les pierres en mauvais état, souvent tenues par des pièces métalliques, des goujons aujourd'hui corrodés qui ont fait éclater la pierre. La pierre meusienne oolitihique d'Euville (Meuse) forme le gros des blocs utilisées à Saint-Epvre par Prosper Morey, l'architecte de l'église, qui a démarré la construction à la fin du Second Empire. Mais avec le temps, les veines s'épuisent ou leur qualité évolue. Bref, la structure de pierre la plus proche aujourd'hui sur le marché se trouve en Bourgogne, sur les falaises du Mâconnais. Gargouilles et statues les plus abîmées sont emmenées dans l'atelier colmarien de Jean-Luc Schické pour être restaurées par ce sculpteur et ses compagnons. Parfois, la pièce a disparu. « Mais on dispose du catalogue de ce qui existait au moment de la construction de l'église », explique Pierre-Yves Caillault. L'architecte et le sculpteur ont passé de bons moments à imaginer les figures les plus proches des originaux ; Jean-Luc Schické proposant d'abord des modèles en terre, agréés ou non par l'architecte. « Aucune sculpture ne doit ressembler à une autre, et il faut que la grimace soit particulièrement réussie ! » Certaines d'entre elles sont en outre recouvertes de plomb, pour les protéger de l'érosion hydraulique. Pierre-Yves Caillault supervise également le percement de rigoles au pied de certaines statues pour que l'eau s'évacue mieux. « Saint-Epvre a été construite très rapidement, trop rapidement, car il y avait en œuvre des moyens très importants. On y a utilisé des pierres trop massives et souvent de qualité inadaptée ».
A trente mètres du sol, l'ouvrage prend forme. Comme au Musée lorrain tout proche, le nettoyage se fait en nébulisation par micro-gommage de calcin sous une très faible pression. Si c'est trop abîmé, on change.
Un chantier est encore à ouvrir, la rosace centrale, que le verrier doit restaurer. Mais la partie qui changera le plus pour les Nancéiens, c'est l'horloge. Elle était tellement encrassée qu'elle ne se voyait plus guère. En réalité, elle est enchâssée dans une rosace gothique sur un fond bleu ciel vif qui sera ravivé. « Les chiffres romains seront dorés à la feuille d'or ». On ne verra qu'elle quand les heures sonneront !