La Porterie du palais ducal de Nancy vient d’être rendue aux Lorrains et aux touristes. Blanche et ocre, elle enchâsse la noble figure du duc Antoine qui a repris des couleurs.
C'était tout noir et décrépit, sombre évocation de temps obscurs et presque moyenâgeux. La Porterie du Palais ducal, c'est la première Renaissance française, sauf que la Lorraine était indépendante, et que le vent d'Italie, grâce au bon roi René et ses descendants avait soufflé nettement plus tôt.
Quant au Moyen Âge, il était beaucoup plus lumineux que ça à tous points de vue, et n'en déplaise aux attardés du romantisme, quand ces splendides monuments ont été faits, les contemporains les ont connus blancs. « Dans les années 70, c'était tout juste un décrassage », remarquait le maire de Nancy, venu tirer sur l'étoffe voilant le duc Antoine brandissant son épée. « Cette fois, c'est une vraie restauration. » De fait, le travail entrepris par France-Lanord & Bichaton, Chanzy et Pardoux, spécialistes des restaurations délicates est tout à fait remarquable. Seules les pierres vraiment abîmées ont été changées et retaillées à l'identique, la plupart du temps en pierre d'Euville (55), dont le grain est d'excellente qualité. Comme les trois embases abîmées de la Porterie, posées après remplacement il y a tout juste une semaine au mortier de chaux.
De longs mois ont été nécessaires pour venir à bout de cette restauration conduite par l'architecte en chef des Monuments Historiques, Pierre-Yves Caillault. La Porterie elle-même a été édifiée par le duc Antoine (1489-1544). Elle date de 1512 et a été construite en même temps que la galerie des Cerfs, par l'« Imagier de la Maison de Lorraine », le sculpteur Mansuy Gauvain, auteur également de la Vierge au manteau de Notre-Dame de Bonsecours. L'œuvre de la Grand-Rue est de facture encore très gothique et s'inspire de la porterie du château de Blois où le fils de René II a longuement séjourné, à la cour de Louis XII.
A la Révolution, la statue équestre du Duc fut cassée et ce n'est qu'en 1851 que le sculpteur Jiorné Viard en fit une copie. La couleur de la statue, ocrée, par rapport à la pierre blanche de la Porterie fait un contraste qui avait disparu au fil du temps. Le dévoilement de l'ensemble a permis de remarquer cette nuance.
Pour les connaisseurs, le portail monumental est « sommé d'une niche au cintre surbaissé, abritant la statue équestre, flanqué de pilastres en candélabres qui atteignent presque le faîte du toit et supportent deux gâbles superposés. Le premier de ces gâbles, de facture gothique, décoré de feuilles de choux, encadre les armoiries du duc Antoine. Le second, de forme rectangulaire, terminé par une coquille, est orné de deux bustes de guerriers affrontés.... » Ce qui a beaucoup amusé le recteur de la basilique Saint-Epvre, supérieur des Oratoriens, le P. Bruno Gonçalvès, c'est la présence d'un bœuf qui prêche, et d'un vilain petit moinillon rigolo...
L'étape suivante, après la restauration en cours du bâtiment Morey (où est située l'entrée du Musée lorrain), sera la construction d'un vaste bâtiment à Maxéville. Le concours vient d'être passé et le lauréat sera dévoilé le 23 septembre au conseil municipal de Nancy. Il s'agit de stocker à terme dans cet édifice toutes les réserves des six musées de Nancy et son agglomération. Une opération indispensable si l'on veut passer à l'étape suivante de la restauration intérieure du Musée lorrain : car pour pouvoir refaire chaque salle, il faut pouvoir entreposer les œuvres qui s'y trouvent et, par cette opération-tiroir, refaire l'ensemble. Puis s'attaquer aux réserves, encore mal connues, et surtout mal exploitées.
[d'après l'Est Républicain]