Les tronçonneuses s'activent depuis quelques semaines. Un à un, les arbres qui enserraient le château de Saulxures-sur-Moselotte disparaissent, révèlant au jour cette bâtisse exceptionnelle, étouffée par la végétation depuis des décennies. Pour mieux faire table rase du passé.
Né de l'industrie textile et de l'expansion industrielle des Hautes-Vosges au XIXème siècle, le château de Saulxures-sur-Moselotte fait peine à voir.
Construit de 1854 à 1861, il fut commandé par Elisabeth Gehin, veuve d'un riche industriel, à l'architecte Georges Clère qui dessina également les sculptures. Le peintre Félix Hafner réalisa les peintures du château (toiles, plafonds et fresques murales). Ce château était un vrai bijou d’architecture et méritait bien son surnom de « Petit Versailles vosgien ». D’ailleurs, le journal L'Illustration lui avait consacré à l'époque plusieurs articles avec des gravures de l’intérieur (mobilier luxueux, hall d’entrée avec colonnes et piliers de marbre, plafonds peints et dorés, boiseries…). A l'origine, il y avait deux grandes verrières qui reliaient le bâtiment principal au deux dépendances. La cour intérieure était fermée par des grilles en bronze doré imitant celles de la place Stanislas. Il y avait également deux fontaines dans la cour. Aujourd’hui toute cette splendeur a disparu.
La partie architecturalement la plus intéressante se situe à l’arrière : un grand fronton soutenu par deux étages de colonnes avec un cartouche où l’on peut lire « JTG » pour Jean-Thiébaut Gehin - le mari d’Elisabeth Gehin - et un balcon soutenu par deux atlantes et deux cariatides.
Le château sera abandonné dans les années 1970. Cependant, il sera inscrit à l'Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1984. Mais cette inscription n’a pu éviter la dégradation continue des bâtiments.
Exit donc le château Gehin de Saulxures-sur-Moselotte. Il va être « déconstruit » comme disent les technocrates d’aujourd’hui, qui manient les euphémismes doucereux afin de mieux travestir la réalité. Les cariatides, atlantes, frontons et autres éléments architecturaux les plus significatifs finiront, au mieux, dans des musées lorrains. Sic transit gloria mundi...