Initialement et sans l’intervention de Verdun, le département de la Meuse devait s’appeler le Barrois. La première matérialisation du territoire a été fabriquée en 1790 à partir d’une carte de France réalisée par la famille Cassini.
Ses dimensions sont plutôt imposantes : 116,5 cm x 152 cm. Conservée sous surface vitrée à une température de 18° et un taux d’humidité de 50 %. Un peu jaunie mais « en assez bon état », la première carte du département de la Meuse (qui aurait dû s’appeler le Barrois sans l’intervention énergique de Verdun qui ne se reconnaissait pas dans la dénomination !) remonte au début de l’année 1790, date à laquelle l’Assemblée nationale décide de créer 83 départements divisés en districts, en cantons et en municipalités. Ce bien précieux a été offert par un habitant à la municipalité de Bar-le-Duc à une date inconnue.
« Elle est à l’échelle 1/86 400, ce qui correspond à 10.000 toises. Elle trouve son origine dans des morceaux de la carte de France réalisée, à la demande de Louis XV, par la famille Cassini à partir de 1756 jusqu’au début de la Révolution », explique Jean-Baptiste Legoff, des Archives départementales de la Meuse. En y regardant le plus près, le contour du département est en papier, lequel est collé sur une toile, d’où cet effet de relief. « On peut y lire des traces d’appellation de l’Ancien Régime comme le Clermontois (ancienne appartenance de la famille Condé), la Champagne et la Lorraine », poursuit le spécialiste.
Visuellement, le relief n’est pas très bien représenté sur cette carte qui se rapproche davantage du dessin. Seules les routes principales y figurent, comme le détail des 8 districts et des 79 chefs-lieux de canton qui la composent.
L’orthographe y est aussi imprécise, l’indication des départements de « la Mozelle » et de « la Meurte » en témoigne.
Pour définir le territoire meusien, le comité de division territoriale a d’abord dû délimiter la Lorraine par rapport à la Champagne. Des luttes d’influences se sont alors engagées auprès des députés en vue d’aboutir à un découpage que l’on connaît peu ou prou aujourd’hui. Un premier projet instituait un département du Barrois réunissant Bar-le-Duc, Toul et Neufchâteau, tandis qu’un autre était pressenti autour de Verdun, Montmédy, Étain et le Clermontois. « Verdun, en étant rattaché à Metz, aurait perdu son évêché. Sa forte volonté de le conserver a abouti à une troisième solution qui a finalement été retenue en regroupant Barrois, Verdunois et Clermontois. Bar-le-Duc a également tout fait pour s’étendre vers l’Ouest afin de ne pas être trop excentrée dans le département. Le député Gossin aurait aussi voulu intégrer Saint-Dizier à la Meuse. Et si le Bassigny barrois a été cédé à la Haute-Marne (dont l'ancienne cité fortifiée de La Mothe), des conquêtes ont eu lieu sur la Champagne comme Mandres, Bure, Hévilliers et Luméville », détaille l’archiviste.
Afin d’équilibrer les pouvoirs, les trois grandes villes du département de la Meuse ont fini par s’arranger : Verdun gardait son évêché, Saint-Mihiel accueillait le tribunal criminel et Bar-le-Duc devenait capitale administrative. « Il est vrai que la volonté du gouvernement était de placer chaque chef-lieu de département au centre du territoire. Ce n’est pas une règle en regardant le cas de Bar-le-Duc qui ne constitue toutefois pas une exception. »
Et puis arrive la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) qui prévoit la suppression des districts. Ses administrations ont souvent été des soutiens de la Terreur. À partir de 1800, sous le Consulat, Verdun conteste sans discontinuer la position de Bar-le-Duc comme siège du département. Plusieurs mémoires sont rédigés à ce dessein dans une grande offensive restée vaine. Sous Napoléon Ier, le nombre de cantons est fortement réduit et la Meuse passe de 8 districts à 4 arrondissements. Celui de Montmédy est à son tour supprimé en 1926 pour des raisons budgétaires. Il en reste alors trois que l’on retrouve sur la carte actuelle de la Meuse. Plus de deux siècles plus tard, l’évolution du territoire meusien est considérable.
[d'après L’Est Républicain | 14.07.11]