A priori, tout oppose Arthur Rimbaud (1854-1891) et Thérèse de Lisieux (1873-1897). Et pourtant, leur biographies croisées sous la plume de Gilbert Mercier, ancien journaliste à L'Est Républicain, révèlent d'insoupçonnables passerelles entre le poète et la sainte en quête de "la vraie vie". Apparaissent chez l'un la pureté du fond à travers les hardiesses de l'expression et, chez l'autre, le trouble du fond à travers la pureté de l'expression. Ce ne sont pas des contemplatifs mais des combattants d'un même refus, celui du monde réel, et d'une même guerre, celle de la liberté dans un "Ailleurs" interrogé avec acharnement : "Si Tu es là, réponds !".
Aux prises avec le doute, Thérèse trouvera son échappatoire, sa grâce dans la poésie et le théâtre, les fameuses "récréations" du Carmel. Et aujourd'hui c'est, semble-t-il, moins vers la petite sainte que l'on se tourne que vers la soeur des coeurs fragiles, ceux qui interpellent désespérément le Ciel et parfois l'enfer. Quant à Arthur, son bateau ivre ayant été englouti par le maelström de l'Inconnu, il ira se réfugier "dans l'horreur des pays lunaires" comme dans un couvent. Finalement, c'est en empruntant un commun chemin de souffrance, lui avec une jambe en moins, elle avec des poumons dévastés, qu'ils atteindront "l'Ailleurs" tant désiré.
Avec leurs soupirs et leurs cris, leurs doutes et leurs interrogations, mais aussi leur soif d'amour, Arthur et Thérèse ne seraient-ils pas les inventeurs de notre sensibilité ? Ainsi s'expliquerait le grand courant qui continue de porter les foules à Lisieux comme à Charleville.
‡ Arthur & Thérèse. L'illumination des coeurs, Gilbert Mercier, éditions Michel de Maule, 2011, 320 p. (22 €).