En 1992, Bernard Huin, alors conservateur du musée départemental d’art ancien et contemporain estimait à 70000 visiteurs par an le potentiel de l’établissement. Vingt ans plus tard, les chiffres en sont loin, oscillant entre 15 et 30000 entrées chaque année. « 50 % des musées font moins de 10000 visiteurs par an et le musée est devenu un lieu de consommation » atteste Philippe Bata, conservateur à Epinal depuis 2007.
« Nous ne sommes pas un grand musée de ville universitaire ou dans un grand bassin de population et cela demande un effort encore plus important. On a du potentiel mais en terme d’affichage et de visibilité, on n’a pas encore rendu la qualité de la collection assez visible ».
L’an dernier, 18101 visiteurs ont franchi les portes de la structure, passé sous la gérance totale du Conseil général depuis plus de deux ans. Combien ont véritablement payé l’entrée ? 3500.
3500 visiteurs payants par an. Soit au mieux, 16 100 € de recettes tirés des billets d’entrée chaque année. Ridicule dans un budget avoisinant les 900 000 euros. « L’argument qu’on nous a toujours opposé était que d’une part, pour le public, les choses gratuites sont des choses qui ont peu de valeur et d’autre part, que si l’entrée n’était pas payante, n’importe qui pouvait venir et se balader dans le musée » affirme cet ancien membre du conseil d’administration. Il y a plus de quinze ans, le sujet était déjà sur la table, le tarif d’entrée (30 francs), étant jugé trop élevé. Depuis, l’idée fait son chemin. Quant à dire que l’entrée au musée départemental sera bientôt gratuite…. «Les musées sont payés sur les impôts du citoyen. Pour moi, un musée, c’est comme une école et les collections permanentes font partie du patrimoine » avance Philippe Bata, lui aussi convaincu du bien fondé de la gratuité de l’entrée. « Je reconnais que 3500 entrées payantes ce n’est pas un chiffre énorme et la gratuité totale, c’est la grande question […] Il n’y a rien de tranché mais on y réfléchi » confirme Luc Gerecke, vice-président du Conseil général en charge de la culture.
Fermetures ou restrictions d’ouverture ?
D’autant que des voix s’élèvent ici et là. Pas assez de grosses expositions, un accueil trop froid, une bibliothèque méconnue, pas d’événementiel créé autour du musée. « Poncelet dit puisque c’est moi qui paye, c’est moi qui décide. Si tout était comme ça, imaginez-vous ce que ça donnerait ? Du coup, rien ne se passe. »
« A l’époque, de grosses expositions ont été organisées (Claude-Gelée en 2001 : 17000 personnes en 3 mois ; « La querelle du coloris dans la peinture du XVIIe siècle » en 2004 : 9000 visiteurs en 3 mois). Des expositions qui étaient certainement de taille nationale mais Epinal reste une ville de province qui n’est pas capitale de région, qui n’a pas d’universités énormes et en plus dans un département que l’on considère aujourd’hui encore comme le bout du monde » avoue encore un ancien administrateur. « On n’a pas eu tord de faire ces expos, il y a eu du monde mais malgré tout il n’y a pas eu la foule qu’il y aurait pu avoir. Les désaffections actuelles ne sont pas spécifiques à Epinal. »
Du coup, des pistes sont évoquées… Fermer le musée en début de semaine. Fermer le second étage, consacré à l’art contemporain, à certains moments de l’année. « Un musée a une activité assez cyclique. L’an dernier, le second étage du musée a été fermé plusieurs jours […] La piste de fermer cet étage à certains moments a été évoquée. C’est vrai. Le nombre d’heures destinées aux vacataires culturels a été revu à la baisse. Pour le moment, le planning fait qu’il n’y a pas de diminution de service. Si fermeture il y a, il y aura une baisse de fréquentation, et notamment des scolaires et on ne peut pas imaginer cette solution » appuie Luc Gerecke.
Aujourd’hui, 1419 pièces sont explosées dans l’enceinte du musée sur une collection évaluée à plus de 29000 pièces. « Mon espoir est que la réouverture d’une extension du parcours de peinture, va susciter l’intérêt des visiteurs, des collectionneurs et des amateurs d’art. Et j’espère que l’arrivée du vase Galée emmènera d’autres déclics. Je l’espère. Sincèrement », conclu Philippe Bata.
[Vosges Matin]