Le village de Hennezel, entre Darney et Bains-les-Bains, abrite un musée qui retrace l’histoire de la région à partir des objets produits par les verreries, fleurons de son passé.
Au cœur de la forêt de Darney, à Hennezel, l’ancienne maison de maître du dernier patron de la verrerie de Clairey a retrouvé une deuxième jeunesse. Depuis 1986, une poignée de passionnés, membres de l’association Saône-Lorraine, s’efforcent de redonner vie au lieu transformé en musée du fer, du bois et du verre. Bernard et Arlette Delémontey sont de ceux-là. Chaque année, ils organisent des expositions temporaires qui viennent compléter les collections de leur petit musée de quatre salles.
Jusqu’au 31 octobre, « Opalines et verres moulés » propose de se plonger dans le passé de la région et de découvrir les richesses artistiques créées par les verriers et autres créateurs. « La plupart des objets présentés ici proviennent de dons », relève Bernard Delémontey, qui sert de guide aux 3000 touristes qui franchissent la porte du musée chaque année. Verres, carafes, bouteilles, palets et chiques pour les enfants, vase de nuit, entonnoir, tous les objets du quotidien sortis des verreries proches sont exposés dans des vitrines. Verres soufflés (à la bouche), ou moulés à la main, transparents ou colorés. Les époux Delémontey savent tout sur ces pièces qui ont parfois nécessité de longues recherches pour en certifier l’origine.
À côté des vitrines d’exposition, les bénévoles ont aussi reconstitué des maquettes des forges ou de l’atelier de menuiserie. Les travaux de broderie des femmes viennent compléter le musée, dont la visite se termine par une histoire plus récente celle-là, et beaucoup plus douloureuse : la salle de la résistance est consacrée au maquis de Grandrupt et à l’abbé Mathis. Tous les résistants qui avaient trouvé refuge dans ce coin de forêt entre 1943 et 1944 ont été déportés.
Les premières traces d’une verrerie à Clairey remontent avant le milieu du XVIe siècle. On sait qu’en 1555, une verrerie, officielle celle-là, a vu le jour sur les fondations d’une autre, plus ancienne. Dans un temps assez imprécis, on sait qu’un duc de Lorraine a fait venir de Bohème des verriers qui trouvaient dans les forêts vosgiennes tout ce dont ils avaient besoin : du bois pour se chauffer et construire, du sable pour le verre et des espaces pour s’installer.
L’époque était alors au temps des cathédrales et la fabrication de verres à vitres et à vitraux était alors en pleine expansion. Le secteur comptait alors 23 verreries de type familial (Lichecourt, Bleurville, Planchotte, La Rochère, etc.). Mais même l’édification de structures religieuses ne ralentit pas les velléités de combat des hommes. Les guerres de religion, la guerre de Trente Ans et plus tard la Révolution ont eu raison de l’économie de la région et des implantations des verriers, également touchés par l’abolition des privilèges.
Plus tard, les verriers ont tenté de s’implanter à nouveau mais les temps avaient changé. Fini les vitraux et les arts sacrés, il a fallu trouver des reconversions. Certains se sont alors lancés dans la fabrication de bouteilles pour l’eau-de-vie, notamment la cerise de Fougerolles. Au début du XVIIIe siècle, des artisans venus de Suisse et du nord de la Lorraine se sont lancés dans la gobeleterie et la production à grande échelle. La verrerie de Clairey a fermé définitivement ses portes le 28 juin 1952. Elle comptait, outre une scierie attenante, des logements pour les ouvriers, une école pour leurs enfants et une crèche, sur le modèle des entreprises paternalistes.
Léon Logerot (1844-1924) était un des meilleurs graveurs, tailleurs et peintres de la verrerie de Clairey. Un artiste multifacette dont l’œuvre tient particulièrement à cœur à Bernard Delémontey. Pour lui, le clou du musée est ce petit serviteur de nuit à poser sur une table de chevet. Composé d’une carafe et d’un gobelet en verre vert, il a été fabriqué par Léon Logerot à la fin du XIXe siècle à Clairey. Une identification formelle rendue possible grâce aux catalogues édités par les verreries. En effet, peu d’œuvres étaient poinçonnées, la majorité d’entre elles ne comportaient qu’une petite étiquette en papier, perdue ou détériorée au fil du temps.
[texte et clichés : Vosges Matin]