Contrairement aux biographies royales ou princières que l’on trouve en abondance, il demeure assez rare que les écrivains s’intéressent à des personnages qualifiés de moindre importance qui jouèrent pourtant un rôle primordial dans l’histoire d’une région. Il est vrai qu’il est plus difficile de mettre en avant une famille ou une personnalité vivant dans un passé lointain dont la renommée ne dépassait pas le cadre local ou régional. Il n’y a donc que peu d’écrits concernant la petite noblesse de province qui fut pourtant actrice dans la construction de la France.
La région du Bassigny telle que nous la découvrons actuellement dans son écrin de verdure parsemé de forêts bucoliques à travers de magnifiques collines, fut au bas Moyen Age, un lieu sujet à de nombreux conflits en raison de sa situation géographique à la frontière de trois provinces, le Barrois dont elle faisait partie, la Champagne et la Bourgogne. En cette époque troublée, les guerres intestines étaient fréquentes entre les grands féodaux toujours prêts à envahir la contrée voisine afin de conquérir de nouveaux territoires. La ville de Lamarche qui était au centre du Bassigny barrois, fut fondée au début du xiiie siècle en même temps que se développa l’abbaye des Trinitaires. Dès le début, le comte de Bar à qui appartenait cette cité, fit fortifier ce lieu afin de répondre à toutes attaques éventuelles. La défense de la ville était assurée par certaines familles chevaleresques de la région dont principalement celle de Serocourt. Cette noble lignée qui prit le nom de la terre éponyme, fut citée depuis la fin du xiie siècle.
Haimon de Bourbonne et Hauvis, avec l’accord de son épouse Yde, le dit Aubert fit édifier vers 1250 en son village de Serocourt, une maison fortifiée afin de montrer à tous sa préséance en ce lieu. Ce gentilhomme qui fut surnommé plus tard Boullée, était à la fois vassal du sire de Choiseul et du comte de Bar. À son trépas en 1265, son domaine revint de droit à son fils Girard qui, parvenu à l’âge adulte, dut comme son père, effectuer annuellement deux mois de garde au château de Lamarche et dix-huit semaines en celui d’Aigremont. Ce chevalier de Serocourt, cité en 1259 puis en 1287, servit fidèlement Jean Ier de Choiseul de qui il était l’homme lige. Ce dernier qui se rebella contre l’autorité du comte de Bar, fut vaincu par ce puissant personnage. Cela porta atteinte aux Choiseul qui durent plus tard abandonner leurs droits qu’ils détenaient sur la seigneurie de Serocourt, comme cela est évoqué sur un acte de 1325, où Jean Boullée, écuyer, se voit démettre de ses liens de vassalités envers le sire de Choiseul pour n’être plus assujetti qu’au comte de Bar. Cela permit ainsi aux membres de cette lignée d’accéder à des postes honorifiques et lucratifs.
En 1347, débutait la guerre de Cent Ans qui opposa la France et l’Angleterre, sinistre conflit qui provoqua misère et désolation au sein de tout le royaume. Les fils de Jean Boullée luttèrent vaillamment contre l’envahisseur anglais et défendirent hardiment la région de Lamarche. En 1358, Girard de Serocourt se vit instituer bailli du Bassigny barrois par Edouard, devenu duc de Bar. La région que Girard administra, comprenait les châtellenies de Gondrecourt, la Mothe, Bourmont, Conflans-sur-Lanterne, Châtillon-sur-Saône et bien sûr Lamarche où il siégea dans la forteresse de cette cité. Il avait sous ses ordres, les prévôts et les sénéchaux de ces lieux, les sergents et les arbalétriers, ainsi qu’une foule d’officiers ducaux demeurant en sa circonscription. En tant que bailli, Girard, levait régulièrement des troupes armées comprenant, outre les personnages précédemment cités, plusieurs gentilshommes résidants en son bailliage eux-mêmes suivis de leurs suites ainsi que des milices composées de bourgeois et de gens à pied venant des villages environnants. Girard aidé de son frère Boulin, lutta toute sa vie contre les bandes de mercenaires qui ravageaient la région. Ce noble personnage eut trois épouses. De la première Adeline, il n’eut pas d’enfant. La seconde, Simonette de Romain-sur-Meuse, qui mit au monde deux fils, lui apporta en dot la châtellenie de ses parents transmise plus tard à sa future progéniture. Enfin, sa dernière femme, Isabelle de Germiny, descendante du trouvère lorrain, Gautier d’Epinal, ne donna le jour qu’à une fille.
Jean, devenu à la mort de son père seigneur de Serocourt, épousa en 1398, la petite-fille de Geoffroy de Nancy, détenteur du château de Gombervaux, résidence fortifiée encore visible à ce jour. Parvenu à l’âge adulte, ce descendant d’Aubert Boulée qui avait été adoubé chevalier, occupa pendant une brève période le poste prestigieux de bailli du Bassigny barrois et demeura en la ville de Lamarche où il fit procéder à une campagne de restauration de la forteresse et des remparts de cette localité afin de résister aux troupes anglo-bourguignonnes qui avaient commis de multiples méfaits dans la région. Son nouveau suzerain, René d’Anjou, devenu duc de Bar et de Lorraine, fut vaincu en 1431 à la bataille de Bulgnéville par le comte de Vaudémont, puis emprisonné à Dijon par le duc de Bourgogne. Pendant la détention de René, ce seigneur de Serocourt qui lui demeurait fidèle, combattit les Bourguignons en lançant des chevauchées meurtrières à partir des villes de Lamarche et de Langres. Mort en 1436 au cours de l’une de ses expéditions, son fief de Serocourt fut attribué à son fils aîné Girard, le puîné Jean recevant la seigneurie de Romain-sur-Meuse. Seul Regnault, le cadet, fut dépourvu d’un héritage foncier.
Peu de temps après, René d’Anjou, qui avait été libéré après avoir versé une forte rançon, s’en alla pour l’Italie se faire sacrer roi de Naples et de Sicile à la tête de ses nombreux vassaux. Malheureusement, ce prince fastueux fut dépossédé de son héritage par le roi d’Aragon. Revenu en Provence en 1442, il retrouva Jean de Serocourt qu’il avait nommé capitaine du château de Tarascon l’année précédente. Ce gentilhomme qui avait pour armoiries, un écu d’argent à la bande de sable accompagné de sept billettes de mêmes, porta fièrement le blason familial lors des nombreux tournois organisé par son suzerain auquel il participa, dont celui du « pas de Saumur ». Demeurant en Provence dès 1447, Jean se vit seconder dans sa tâche par son frère Regnault, qui occupa la charge de lieutenant de cette forteresse en 1449, poste qu’il conserva jusqu’en 1452, année de son décès survenu probablement à cause de la peste qui décimait une partie de la population de Tarascon. Jean de Serocourt, qui avait été pendant une courte période bailli du Bassigny barrois, repartit en 1458 dans sa région ou il fut nommé capitaine de la ville de Darney. Voyant ses forces décliner, il se retira avec sa femme et ses enfants dans son château de Romain-sur-Meuse.
L’un de ses fils, appelé lui aussi Jean, devint à son tour bailli du Bassigny barrois, charge qu’il garda jusqu’à son trépas. Ce noble personnage marié à Eve d’Anglure, ne put avoir de descendance. Pendant son existence, il avait combattu les ennemis du duché sous les ordres de René II, duc de Lorraine, au coté de son frère Antoine de Serocourt. Il faisait partie des nombreux gentilshommes qui luttèrent contre Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, tué en 1477 sous les murs de Nancy. La charge de bailli du Bassigny barrois, qu’occupa le seigneur de Serocourt jusqu’en 1522, date de son décès, revint à son neveu par alliance, Humbert de Doncourt, époux de Marie de Gironcourt avant d’être transmis quelques années plus tard à son autre neveu, Jean de Serocourt, sous le règne de François Ier, prince de la Renaissance française. Dès lors, une nouvelle ère vit le jour...
Liste des patronymes cités dans l’ouvrage : d’Aigremont, d’Amance, d’Ambonville, d’Anjou, Anthoine, d’Apremont, d’Aragon, d’Arberg, d’Arcey, Aubertin, d’Auvillers, d’Auxy, d’Avroncourt, de Bar, de Barbazan, Barbier, de Bassigny, Baud, de Baudricourt, de Bauffremont, de Bavière, de Bayer de Boppart, de Beaujeu, de Beauvau, de Beauzée, de Bedford, de Bielles, de Bignecourt, de Biron, de Blaisy, de Blâmont, le Blanc, de Blondefontaine, Bonet, de Bouc, de Boulach, de Bourbon, de Bourbonne, de Bourgogne, le Bourgon, de Bourlémont, de Bourmont, Boutillier, de Bouzey, de Brémont, de Bretagne, de Brixey, de Buffignecourt, de Bulainville, de Bulley, Burdelot, de Calabre, de Castille, de Castillon, de Cervole, de Chalon, de Champagne, de Champigneulles, Chardey, Chardoigne, de Charmes, de Châtel-sur-Moselle, du Châtelet, de Chatenay, de Chauffour, de Cherisey, de Choiseul, de Clefmont, Clément, de Clisson, Clivier, de Coiffy, de Conflans, de Coucy, de Courcelles, Courdinet, de Craon, de Crécy, Crespin, de Cusange, de Dalmé, de Damblain, de Dammartin , de Dampierre, Dandelou, de Darney, Delphin, Demanget, Deschamps, Despieix, de Deuilly, de Deux-Ponts, de Dombrot, de Doncourt, de Donjeu, de Dreux, Dromont, de Dun, le Duret, d’Epinal, Espagnol, de l’Estang, de Failly, de Faucogney, le Fauconnier, de la Fauche, du Fay, de Fénétrange, de Flandre, Floridas, de la Force, de Foug, Fourrier, Franoux, de Frasne, du Fresne, Galandot, de Gand, de Genève, de Germiny, Girardos, de Gironcourt, de Gombervaux, de Gonaincourt, de Gourcy, de Gournay, de Grancey, de Grand, de Grenant, de Gueldre, du Guesclin, Guillot, Guinot, de Guise, Guyon, Guyot, d’Habsbourg, d’Hacourt, d’Hangest, d’Harcourt, d’Haroué, d’Hassonville, Hendelo, d’Hennecourt, Héraudel, d’Herberviller, de Houdemont, de Houécourt, Hugon, d’Illoud, de Joinville, de Jonvelle, Juliart, de Laire, de Landres, Landricourt, Lanfant, de Laon, Larmet, de Laval, de Lavaux, Lespicier, Lestournel, Leudin, Levin, de Lignéville, Limbourg, de Linange, Lolier, de Longeville, de Longuel, de Lorraine, de Louppy, de Lucey, de Ludres, de Luxembourg, de Luyton, de Maillancourt, de Mailly, Malbert, de Malestroit, de Mandres, de Manteville, de la Marche, de Marches, de Marey, de Marre, de Marseille, le Macon, Massot, Maubelet, de Maulain, de Mélincourt, de Melun, de Méréville, de Messey, de Meuse, de Moncel, de Mons, de Mont Saint Léger, de Montangon, de Montbéliard, de Montferrand, de Monthureux, de Montmort, de Montreuil, Morelot, de Morizot, de Morey, de la Mothe, du Moulinet, de Nancy, de Navarre, de Nettancourt, de Neufchâteau, de la Neuville aux Bois, de Neuviller, Noël, Noise, de Nomeny, de Nourroy, d’Oiselay, Olivier, d’Ornes, d’Ourches, de Pagny, Paillardel, le Parmentier, de Parroy, Perrot, de Perrusse, le Petit, de Peyo, le Picart, de Pierrfort, du Plessis, de Poesly, de Pont Rennepont, de la Porte, des Prez, de Priney, de Progères, de Pulligny, de Putelange, Quognebuis, de Raucourt, de Ravil, de Ray, de Réance, de Rémécourt, de Revigny, de Ribeaupierre, de Richardménil, Richart, Robert, Rollant, de Romain, de Romont, de Roncourt, de Rondey, de Rouillac, de Rouvres, le Roux, le Roy, de la Ruelle, de Ruppes, de Rutant, de Rye, de Saint Aubin, de Saint Baussant, de Saint Belin, de Saint Loup, de Saint Remy, de Saint Thiébault, de Sampigny, de Sarrebruck, de Sauville, de Savigny, de Scey, de Seraucourt, de Serocourt, de Serrières, de Serval, de Sivry, de Sorcy, Sorel, de Soulécourt, de Spanheim, Talbot, Tarbay, de Tavagny, Thiébaut, de Thivet, Thomassin, de Thons, de Thuillières, de Thumery, de Tiercelin, de Til Châtel, de Tollaincourt, de Tonnerre, de Toul, de la Tour en Woëvre, de la Tranche, de Tronville, de Troyes, de Valengin, Vallet, Vani, de Varennes, de Varney, de Vaubécourt, de Vaudémont, de Vaunoise, de Vergy, de Vernancourt, Veuillot, Vezart, de Vézelise, de Vienne, de Vieux Châtel, de la Vigne, Vigneron, de Vignolles, de Vignory, de Villers, de Villey, de Virey, Voigien, Vougny, de Vrécourt, Vuillin, de Wales, de Warion, de Watronville, de Wey et de Wysse.
> L'auteur :
Passionné de généalogie et d'histoire, Franck Coudray, originaire du Val-de-Loire, collabore à de nombreuses revues dont Héraldique et Généalogie et s'emploie, depuis quelques années dans ses articles, à faire connaître des lignées de la petite noblesse et de la bourgeoisie champenoises, et à faire découvrir la région du Bassigny dans laquelle elles ont évolué.
> Histoire des seigneurs de Serocourt et du Bassigny barrois du Moyen Âge à la Renaissance, Franck Coudray, ICC éditions, 2010, 350 p.
> Un volume d’environ 350 pages au format 155 x 240 mm en souscription jusqu’au 31 mars 2010 au prix spécial de souscription de 35 € (42 € après le 31 mars 2010) - Emballage et port express France en sus (5 €).
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