Homélie de Mgr Mathieu, évêque de Saint-Dié, prononcée lors des funérailles de Mgr Jean Vilnet
Cathédrale de Saint-Dié – Samedi 26 janvier 2013
"La vie de Mgr Jean Vilnet s’est achevée discrètement là où a commencé son ministère épiscopal. Des messages reçus par dizaines montrent que beaucoup de ceux qui l’ont rencontré en sont restés marqués. Il a marqué l’histoire de l’Eglise de France. Sa vie fait signe aujourd’hui encore aux pasteurs comme aux fidèles et aux hommes de bonne volonté. Sa vie fait écho à l’évangile.
L’évangile nous présente l’ami de l’époux. Jean-Baptiste traduit ainsi le sens de sa vie et de sa mission. Il est le précurseur envoyé devant le Christ, pour favoriser la rencontre de l’époux et de l’épouse, la grande rencontre du Messie avec le peuple des derniers temps. Quand on lui fait remarquer que ses propres disciples s’éloignent de lui et vont à Jésus, Jean-Baptiste se réjouit de ce mouvement vers Jésus. Il connaît la joie promise à l’ami de l’époux. C’est bien le début de l’Alliance nouvelle. C’est ma joie et j’en suis comblé. Lui, il faut qu’il grandisse et que moi je diminue.
On en trouve un écho quand le Concile Vatican II définit l’Eglise-sacrement, signe et moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. L’Eglise est au service de cette Alliance intime et unique. L’Eglise reprend la mission du Précurseur.
Le Père Vilnet affectionnait Jean-Baptiste. Il l’avait rappelé dans son dernier message aux diocésains de Saint-Dié il y a trente ans. L’évêque est attiré par le Christ, disait-il cherchant le Christ, séduit par lui, aimé par lui, sauvé comme vous tous, de son péché. L’évêque n’est pas le Christ : disciple du Christ comme vous, il a en plus la charge de guider jusqu’au Christ, puis il se retire comme jadis Jean-Baptiste.
Et il poursuivait : Si j’ai eu un rôle à remplir parmi vous, c’est de vous indiquer le Christ, route de l’homme, vous montrer le Christ puis vous laisser avec lui. Il fallait que le Christ grandisse en vous et dans toute notre Eglise et que l’évêque se fasse comme Jean-Baptiste, petit et oublié, rejoignant à sa place le peuple des croyants en marche vers le Royaume de Dieu. La joie du père Vilnet a donc été de nous conduire au Christ, de nous aider à accueillir le Christ, à nous unir à lui pour faire corps avec lui. Pour que l’Eglise se fortifie et atteigne la stature du Christ. Magnifique définition du ministère pastoral.
Il rejoignait ainsi l’ardente invitation que Saint Paul adressait aux Ephésiens depuis sa prison : Je vous encourage à suivre fidèlement l’appel que vous avez reçu de Dieu : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, ayez à cœur de garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. C’est le fondement de l’unité des chrétiens, pour laquelle nous continuons de prier. Saint Paul à la source de notre unique espérance : Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, une seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui règne au-dessus de tous, par tous, et en tous. Le Père Vilnet y était très attaché.
Saint Paul évoque la diversité de l’Eglise, qui donne au Christ sa plénitude. Chacun a reçu de Dieu ministères et charismes : nous sommes donnés les uns aux autres : apôtres, missionnaires de l’évangile, pasteurs et chargés d’enseigner. C’est de cette manière que les tâches du ministère sont accomplies et que se construit le corps du Christ. Aujourd’hui comme hier, tous les baptisés ont leur part de la vie de l’Eglise et de sa mission.
Au terme, dit encore Saint Paul, nous parviendrons ensemble à l’unité dans la foi et la vraie connaissance du Fils de Dieu, à la plénitude de la stature du Christ. Nous serons donc des adultes, nous ne serons plus comme des enfants nous laissant mener à la dérive par tous les courants d’idées au gré des hommes. Nous grandirons dans le Christ dans l’harmonie et la cohésion. Le Corps du Christ se construit dans l’amour. Parmi ces ministères, le Père Vilnet travailla à instaurer dans les Vosges le diaconat permanent comme le concile l’avait décidé : nous avons encore à mieux en comprendre le sens et la place parmi nous. Et il insistait beaucoup sur la place des laïcs. Avec un cœur d’apôtre, le Père Vilnet nous a constamment poussés à grandir.
Ne vivez pas votre vie chrétienne seuls, mais en partageant en équipe et en communauté de croyants. Son dernier message aux vosgiens, toujours actuel, loin de nous laisser sommeiller sur les traditions de notre héritage chrétien, nous poussait ainsi à rajeunir sans cesse notre foi et nous rappelait : le Christ est à votre porte, il frappe, ouvrez sans attendre. Puissions-nous continuer de rajeunir notre foi en de multiples lieux de prière, de partage, de formation pour mieux accueillir le Christ.
Il encourageait à l’engagement, chacun à votre place, selon vos possibilités, pour que vive notre Eglise, car elle ne croule pas notre Eglise, la sève du Christ lui redonne le printemps, la force de l’Esprit l’habite. Recommandation actuelle, de développer nos talents, nos charismes et de travailler ensemble, en particulier pour les jeunes.
Le Père Vilnet avait aussi une préoccupation concrète de la charité, soyez solidaires du monde dans lequel nous vivons. Ce monde a besoin de la justice telle que Dieu la donne... Il a besoin de la Paix de Dieu... Il a besoin de se savoir aimé. C’est par là que commence l’évangélisation. Les hommes de notre temps ont besoin d’espérer, de savoir qu’aujourd’hui même les aveugles voient, les boiteux marchent, que ceux qui sont privés des droits essentiels vont voir tomber leurs chaînes, et que tous les pauvres entendent la Bonne nouvelle, la vraie, la seule qu’ils guettaient. Le rassemblement Diaconia 2013 à Lourdes, au moment de l’Ascension va nous le rappeler.
Ainsi le Père Vilnet nous adressait souvent une parole d’apôtre, brûlante, presque lyrique. Il en était habité. On n’annonce vraiment la Bonne nouvelle que si elle transforme d’abord celui qui évangélise. Le service de la Parole est la première tâche de l’Eglise, inséparable de la charité. Le Père Vilnet nous y encourageait encore avec la création de la Fondation Jean Rodhain, cet inlassable apôtre de la charité.
L’appel que Jean Vilnet avait reçu à venir servir l’Eglise dans les Vosges, avant de rejoindre le Nord, était enraciné dans l’expérience d’Eglise que fut le Concile Vatican II. et il nous encourageait sans relâche à en vivre à notre tour. Continuons à rajeunir notre foi avec ce Concile dont le Père Vilnet fut un héraut inlassable, même parvenu à la retraite. La flamme du Concile continuera à brûler parmi nous et éclairera aussi les nouvelles générations.
– Regarder le monde avec amitié, c’est-à-dire avec le regard même du Christ.
– Portons toujours attention aux hommes, à ceux qui vivent la précarité, l’inquiétude des lendemains. C’est essentiel pour l’annonce de l’évangile.
– Que chacun entende l’appel à prendre la place qui est sienne, dans la diversité des ministères : ainsi nous sommes « donnés par Dieu les uns aux autres » pour la construction du Corps. Le Père Vilnet nous a appelés à grandir toujours dans le Seigneur. Pour devenir adultes dans le Christ.
Puissions-nous ensemble, en Eglise, chercher le Christ, le Christ crucifié, qui nous aime et nous sauve, et nous appelle à le suivre. Travaillons ensemble au service du Corps du Christ, toujours en croissance, signe de Dieu au milieu du monde.
Rendons grâce à Dieu pour le don qu’il nous a fait à travers ces 48 années du ministère épiscopal de Jean Vilnet. Que Dieu l’accueille parmi les bons serviteurs de l’Evangile. Et qu’il nous donne son Esprit, pour continuer chacun à notre place et avec la même ardeur, la Mission du Christ parmi nos frères les hommes.
Amen."
[texte et clichés : Diocèse de Saint-Dié]