Des études consacrées à la période de l'Occupation ont démontré que la Résistance ne fut pas le seul fait d'un seul et même élan patriotique répondant à l'appel du général de Gaulle.
Alors que certains ministres du gouvernement du maréchal Pétain avaient officiellement pactisé avec l'Allemagne hitlérienne et l'Italie fasciste, un bon nombre de Français, fidèles au maréchal, ont choisi de se battre sur place contre l'occupant, y compris au sein même de l'appareil de l'Etat. Le Lorrain Jean Quenette, l'une des principales personnalités de la droite nationale d'avant-guerre, avocat, conseiller général de Meurthe-et-Moselle, député, et de 1940 à 1943, préfet régional de l'Aisne puis de Bretagne et de Bourgogne, fut un de ces "vichysto-résitants". C'est en fournissant à Londres d'importants renseignements sur les mouvements de l'armée allemande et ses bases sous-marines, en vue du débarquement allié, qu'il participa le plus activement à la Résistance.
Devenu suspect pour ses initiatives personnelles et révoqué par le gouvernement de Laval fin 1943, il fut contraint de passer dans la clandestinité pour échapper à la Gestapo.
En 1945, refusant pour des raisons de principe de solliciter la levée de son inéligibilité pour avoir voté les pleins pouvoir à Philippe Pétain le 10 juillet 1940, Jean Quenette abandonna la politique. Il devint alors l'un des artisans de la renaissance économique de la France durant les Trente Glorieuses.
Catholique humaniste, il milita en faveur de l'abolition de la peine de mort.
Inspiré par la plus légitime admiration d'une fille pour son père, mais fondé sur une scrupuleuse documentation - principalement sur les archives personnelles inédites de Jean Quenette -, ce livre brosse le portrait d'un combattant de conviction dont la vie entière fut vouée au culte de l'honneur de la patrie, de la justice et du droit.
Au-delà d'une simple monographie politique, faisant fi des clichés et des idées reçues - notamment sur le régime de Vichy -, l'auteur, Anne-Marie Quenette, sans se faire l'avocate de son père, propose une contribution utile à l'élargissement des choix faits par les Français lors des années sombres de leur histoire. Et ce choix fut celui d'une large majorité, fidèle au maréchal Pétain - ni gaulliste, ni communiste - tout en étant farouchement opposée à l'envahisseur nazi.
‡ Jean Quenette. Un lorrain dans le XXe siècle, Anne-Marie Quenette, éditions du Quotidien, 2014, 415 p., ill. (30 €).