Mardi 5 janvier 2010, la Lorraine commémorait à Nancy devant la Croix-de-Bourgogne, l'anniversaire de la Bataille de Nancy lors de la fête nationale des Lorrains. Jean-Marie Cuny, animateur de l'association Mémoire des Lorrains et historien de la Lorraine, a prononcé une harangue. Grâce à son obligeance, nous la publions in extenso pour les visiteurs de notre blog.
"La fin de l'année écoulée a été empoisonnée par 'le grand débat sur l'identité nationale' voulu par le gouvernement. On a donc eu à subir une cacophonie de propos partisans et polémiques, ainsi que des prises de positions diverses pour ou contre ce projet de consultation démagogique gouvernemental. Le débat n'est pas clos.
Cette enquête à grande échelle est-elle utile ?
C'est une question que l'on peut poser.
S'interroger sur son identité ?.. La démarche est ambiguë. Manquons-nous de certitudes concernant ce que nous sommes ? Notre identité est-elle constestée ? Notre identité a-t-elle changé ? Est-elle rejetée ?.. Quelles modifications veut-on imposer à ce que l'histoire, la géographie, la religion a fait de nous ?
Devons-nous, à notre époque, altérer ou supprimer nos traditions parce que de nouvelles populations occupent notre territoire ou parce que l'histoire n'est plus enseignée et que l'on veut forger un nouvel homme sans état d'âme et sans âme ?
Nous représentons ici l'identité lorraine. Il n'empêche que la plupart d'entre-nous se reconnaissent Français de coeur et d'état civil. Il y a même parmi nous ici, sur cette place, des Lorrains qui ne renient pas leurs origines Corses, Martiniquaises, Bretonnes... ou Vosgiennes !
Qu'est-ce qui nous rassemble sous le drapeau aux trois alérions ? Pourquoi revendiquons-nous notre identité lorraine ? Sans doute, il y notre filiation familiale et sous nos pieds, la terre de nos ancêtres imbibée de sang et de larmes. Pour d'autres, il y a le fait de sentir du fond du coeur qu'ils sont du même peuple et d'une même communauté d'idées, d'intérêts, d'affections, de souvenirs, d'espérances et d'appartenance à un même destin. Voilà pourquoi nous sommes réunis ici. Voilà pourquoi nous marchons ensemble sur les chemins de nos pèlérinages ou que nous nous retrouvons volontiers sur les hauts-lieux de notre histoire.
La Lorraine a été un peuple, une nation, un pays autrefois indépendant. La Lorraine, c'est avant tout une terre, une âme, un principe spirituel, une fidélité, une solidarité et une communion d'idées. Nous avons un passé commun et une volonté de vivre ensemble sans rien renier de ce que nous sommes.
La maison ducale de Lorraine règnait déjà depuis 400 ans lors de la Bataille de Nancy du 5 janvier 1477. C'est à cette date, nous disent les historiens, que les Lorrains ont eu réellement conscience de leur identité. Ce sentiment s'est construit dans la lutte et dans les souffrances de la guerre Lorraine-Bourgogne.
L'amour des Lorrains pour leurs ducs était fait à la fois de tendresse et de respect. C'est à partir de la date de 1477 que la Lorraine a été vraiment connue de toute l'Europe. On parlait alors avec enthousiasme de ce petit peuple contre lequel était venu se briser le grand duc d'Occident.
Après la victoire de Nancy, le nom de Lorraine allait de pair avec celui des plus grandes nations. La Lorraine d'alors a fait disparaître la Bourgogne, fortifié la France et changé la carte de l'Europe.
Lors du 'grand débat sur l'identité nationale', on a exclu l'histoire, la géographie, la religion. Pourtant, l'identité de la France début bel et bien avec le baptême de Clovis en 496 ! Voilà que, mille cinq cent ans après, se dresse proche de nos clochers, des minarets étrangers à notre civilisation.
Les Suisses, descendants de ceux qui ont combattu avec René II contre la mainmise du Téméraire sur la Lorraine, ont, par votation, refusé l'implantation de cette visibilité de l'islam en Helvétie. Désirant conserver leur identité, ils ont voté sans haine, sans crainte et démocratiquement contre l'implantation des minarets au coeur de l'Europe.
Il faut respecter les sentiments des peuples.
En 1766, quand on a dit à un vieux lorrain fidèle qu'il fallait devenir Français, le bonhomme a répondu : "Jé volans d'moré ço qué j'somes !" ("Je voudrais demeurer ce que je suis !").
Demeurons nous aussi ce que nous sommes. A Nancy, le 10 mai 2001, à l'occasion de ses noces d'or en l'église des Cordeliers, le descendant direct de nos ducs de Lorraine, Son Altesse l'archiduc Otto de Habsbourg-Lorraine, nous a déclaré avec conviction : "Les Lorrains sont fidèles, l'histoire nous le montre !.. Je suis Lorrain !".
Soyons également à son image, fidèles et Lorrains !
Vive la Lorraine !"
Jean-Marie CUNY