L'extension de la zone industrielle des Sables, à Rosières-aux-Salines, n'en finit plus de défrayer la chronique. Prochain épisode, le rebouchage de la nécropole.
La nécropole gallo-romaine de Rosières-aux-Salines va-t-elle tomber une nouvelle fois dans l'oubli ? C'est la crainte des deux archéologues qui l'ont découvert, d'une partie des habitants de la commune et des élus. Faute d'argent, le chantier devrait être rebouché. Adieu les 400 tombes à incinération gallo-romaines (du Ier siècle avant J.-C. jusqu'au IIe après J.-C.) et les 200 sépultures médiévales. « Ce serait une catastrophe », déplore Denis Craus, ancien maire de Rosières pendant 12 ans. Jenny Kaurin, responsable de la coordination scientifique de la nécropole, et Nicolas Tikonnof, le responsable de l'opération, sont tout aussi désespérés.
Des engagements avaient été pris, notamment pour les prochaines journées du Patrimoine. « Tout le monde nous a dit : allez-y prenez votre temps. Mais au moment d'allonger le chèque... » Les découvertes étant beaucoup plus conséquentes que prévues, il faudrait une rallonge de budget. « Mais aujourd'hui, les caisses du Fond National pour l'Archéologie Préventive (FNAP) sont vides, il faut tout arrêter alors que nous aurions juste besoin de quelques semaines de plus. Ensuite, nous rendons le terrain à l'aménageur. »
300 000 € ont déjà été investis, il manque la même somme pour finir le chantier. Plus 500 000 € de travail en laboratoire. Des sommes « raisonnables au vu de l'importance de la découverte, qui pourrait révolutionner totalement la compréhension du territoire. On ne se doutait pas qu'il y avait une présence romaine aussi forte ici. » La taille de la nécropole, environ 100 mètres sur 60, prouve qu'une ville de taille moyenne se trouvait à proximité, dans un rayon maximal de 2 km. Qui plus est, c'était une ville d'échange puisque les archéologues ont découvert des objets venant de différents endroits de l'Empire romain.
« Si on rebouche le chantier, cela va coûter presque aussi cher que de poursuivre les fouilles », renchérit Nicolas Tikonoff « sans compter qu'une fois qu'il aura été recouvert, 90 % des sépultures seront détruites. » La DRAC propose de geler le terrain en attendant d'avoir des budgets. Quid de l'aménageur du site, la société SEBL ? « La situation n'est pas simple pour eux non plus. On est dans l'attente mais pour l'instant le site n'est plus protégé. Il est ouvert aux quatre vents. Des gens viennent même nous demander ce que nous avons trouvé pour en mesurer la valeur et peut-être piller les sépultures » s'agace Jenny Kaurin. Denis Craus a alerté les élus, parmi eux Jacques Lamblin, député de la circonscription. Qui a lui-même tenté de joindre le conseiller parlementaire de Frédéric Mitterrand pour qu'il intervienne auprès du ministre de la culture.
« C'est la plus grosse découverte de ces 30 dernières années dans le Nord de la France. On ne peut pas l'abandonner comme ça. » Maintenant que le chantier a été découvert, il y a urgence. La campagne de fouilles doit absolument être terminée avant l'arrivée des premiers signes de l'hiver. Au moindre gel, les objets funéraires éclateraient.
Après des siècles d'ensevelissement, il serait dommage que l'entrée dans la lumière de la nécropole soit voilée par de sombres histoires de budget.
[Est Républicain | 31.07.09]