[Vosges Matin | 02.07.09]
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
[Vosges Matin | 02.07.09]
Jeanne d'Arc nous échappe malgré 20 000 statues publiques, sans compter les innombrables représentations en fonte ou en plâtre, près de 800 biographies parues entre 1790 et 1990, une quarantaine de films, des centaines de pièces de théâtre ou de tragédies. Les plus grands ont tenté de percer ce personnage : Verdi, Michelet, Barrès, Péguy ou Malraux s'y sont essayés. Sarah Bernhardt, Michèle Morgan, Ingrid Bergman, Jean Seberg, Madeleine Robinson, Sandrine Bonnaire ou Milla Jovovich lui ont prêté leurs traits. Quels que soient les efforts, elle continuera à s'esquiver. Elle semble avoir déserté le monde pour gagner un empyrée où elle demeure visible sans pouvoir être saisie. Elle est un personnage de chair devenu une icône, une femme faite sainte, une guerrière restée une bergère, un chef de guerre n'ayant jamais fait couler elle-même le sang.
L'ouvrage rassemble les communications présentées par des historiens de l'université de Nancy 2 et diverses personnalités (Philippe Martin, François Roth, François Pupil, Mgr Jean-Paul Mathieu, Fabienne Henryot, Catherine Guyon, etc.) lors du colloque organisé à Domrémy à l'occasion du Centenaire de la béatification de Jeanne le 25 mai 2009.
>> Jeanne d'Arc, les métamorphoses d'une héroïne, Philippe Martin (sous la dir.), éditions Place Stanislas, 2009, 180 p., ill. (35 €)
Il y a 100 ans, Maurice Barrès suivait le corbillard emportant le cardinal Mathieu, prélat nancéien atypique qui avait été le confident du pape Léon XIII.
Erudit, modeste, ironique qu'il était. Atypique cet ecclésiastique qu'adoraient les uns, qui indisposait les autres.
Pourtant, rien ne le prédisposait à cette tournure d'esprit mordante : Désiré Mathieu était né en 1839 dans la famille d'un petit brasseur d'Einville-au-Jard, près de Lunéville, dont l’épouse était très croyante. Sa sœur deviendra bénédictine sous le nom de mère Saint-François et directrice du pensionnat de Saint-Nicolas-de-Port. Lui entre au petit séminaire de Pont-à-Mousson, puis au grand séminaire de Nancy.
Il s'y fait remarquer par sa vive intelligence, sa finesse et son esprit de repartie qui lui vaut parfois de se mettre en porte-à-faux avec ses supérieurs. Mais l'homme ne changera pas, comme le souligne l’auteur lorrain Emile Badel : « Ironique et piquant envers les injustices et les petitesses de la vie courante (...), ponctuel, méthodique et correct, ni mystique, ni subtil (...), comme il ne se corrigea pas, on essaya de le comprendre et on finit par l'aimer tel quel ».
Ordonné prêtre, il est envoyé comme professeur de lettres et d'histoire au petit séminaire ; ce qui lui laisse le temps de rédiger une thèse d'histoire sur « L'ancien régime en Lorraine et en Barrois » qui est publiée en 1879, obtient le prix Gobert de l'Académie Française et sera rééditée quatre fois jusqu'en 1907.
Nommé ensuite aumônier d'un couvent de dominicains, il est admis dès 1880 à l'Académie Stanislas. « Sa présence est recherchée partout du fait de sa bonhomie, de sa culture et de sa vivacité d'esprit, sauf à l'évêché de Nancy car Mgr Turinaz n'aime pas qu'une tête dépasse au-dessus des autres. Et Mathieu sera vite favorable au ralliement à la République, alors que son évêque appartient à l'aile monarchiste et intransigeante du clergé », explique l'historien François Roth.
Cela n'empêche pas le fils de brasseur d'être très vite « épiscopable ». Après avoir été nommé curé-doyen de Pont-à-Mousson, il est fait évêque d'Angers puis archevêque de Toulouse, où il reçoit la pourpre cardinalice. Léon XIII, avec qui il a des affinités, l'appelle auprès de lui en 1899. Cardinal à la Curie, il multipliera les missions diplomatiques avec loyauté et succès.
Continuant à écrire et à rédiger des sermons de haute tenue, il est élu en 1906 à l'Académie Française. Il mourra deux ans plus tard à Londres, le 30 octobre 1908, d'une affection rénale, lors d'un congrès eucharistique et sera enterré en grande pompe au cimetière du Sud de Nancy, ville où il a sa rue aujourd'hui.
Tous regretteront alors sa « bonne figure placide », sa silhouette typique vêtue d'une « modeste soutane à queue, aussi noire que ses longs cheveux » et son « gros parapluie », que remarque Marcel Cordier dans « La Lorraine des écrivains ».
Proche du pape, le cardinal Mathieu avait su rester simple. Il revenait chaque année à Einville. A un copain qui lui demandait « Maintenant, comment vais-je vous appeler ? », il avait répondu placide : « Appelle-moi Désiré, tout comme autrefois ».
[d’après l’Est Républicain | 19.11.08]
De retour de l'assemblée des évêques de France à Lourdes, Mgr Mathieu insiste sur la solidarité de l'Eglise avec les victimes d'une crise économique qui s'amplifie.
D'abord une crise de confiance. C'est ainsi que l'évêque de Saint-Dié voit la crise financière qui secoue la planète, avec des conséquences économiques pas vraiment mesurées d'emblée. Et qui vont aggraver la condition des plus démunis : « Certains sont allés tellement loin dans l'abus de confiance que même les banquiers ont du mal à faire confiance aux emprunteurs ; cela va mettre le domaine économique en péril : les entreprises hésitent à investir - du coup il y a moins de travail ; et les ménages vont réduire leurs achats... Il faut regarder ce qui va se passer, avec le chômage accru. Il faut regarder la manière dont nous pouvons vivre une réelle solidarité, du moins locale. »
Il est à prévoir que les associations d'entraide vont être pénalisées. Les donateurs plus modestes sont souvent les plus généreux, et leurs possibilités de partage vont se raréfier. L'Eglise doit être attentive et solidaire avec « ceux d'ici » qui auront à pâtir de cette crise. 9 % des Vosgiens n'ont plus aucun revenu, souligne Christophe Chevardé. Le nouveau chargé de communication du diocèse de Saint-Dié fait écho à une conférence de presse du Secours catholique. Mgr Mathieu évoque les personnes les plus touchées par la misère, comme les familles monoparentales, mais aussi les travailleurs pauvres : « Par nature, les prêtres voient comment vivent les citoyens et en sont solidaires », dit l'évêque de Saint-Dié. Membre de la commission épiscopale des finances de l'Eglise, il observe qu'il « est dur pour la fierté » des prêtres de renoncer à un traitement auquel ils auraient aspiré, « comme tout le monde » : « Mais on est devenu prêtre en sachant qu'on allait dépendre de la générosité des fidèles. » Les ressources de l'institution, c'est donc de tendre la main aux chrétiens qui souhaitent montrer leur participation à la vie de l'Eglise. Le denier du culte, les dons pour les actes du culte - le casuel - pour les mariages, les obsèques, les honoraires de messe - ainsi que les legs assurent les revenus du diocèse. De quoi verser un traitement aux laïcs qu'il emploie et bien sûr aux prêtres : « On a l'équivalent d'un SMIC tout compris, avec le fait d'être logé, chauffé et éclairé. Mais je n'ai jamais vu de prêtre manifester pour son traitement », conclut Mgr Mathieu qui se refuse à tout « larmoiement ». Au contraire, dit-il, « la crise doit pouvoir nous stimuler, à faire preuve d'imagination. Curieusement, j'ai vu une certaine unanimité dans le monde politique. J'admire les politiques dans la mesure où ils essaient d'apporter sur les flux financiers une régulation sans laquelle on ne s'en sortira pas. »
A Lourdes, les évêques se sont prononcés pour une meilleure lisibilité d'une l'Eglise plus présente dans la société - une démarche d'où procède la venue de Christophe Chevardé dans les Vosges. L'ancien directeur de la communication de l'émission « Le Jour du Seigneur », puis de la mairie de Nancy, également adjoint à ce poste de la communauté urbaine, « aidera l'Eglise à faire passer son message avec les moyens d'aujourd'hui. » Un chemin tracé par le pape Benoît XVI qui a « étonné par son ouverture » et « nous a aidés à retrouver un état d'esprit un peu décomplexé. »
[d’après l’Est Républicain | 14.11.08]