Les Habsbourg ont entretenu des rapports parfois difficiles avec l'argent. Dès sa création en 1526, la monarchie autrichienne fut en effet confrontée à des dépenses militaires disproportionnées à ses ressources. Très vite, elle a su s'adapter en développant une fiscalité modérée et contrôlée par les diètes provinciales, mais aussi en créant des institutions centrales - la Chambres des comptes de Vienne - qui permettent à l'historien d'avoir des lueurs sur un système si complexe qu'il a trop souvent découragé la recherche. Par la suite, les Habsbourg ont trouvé des aides chez leurs vassaux allemands ou leurs alliés - Louis XV par exemple qui versa 100 millions de livres tournois à Marie-Thérèse au cours de la guerre de Sept Ans -. Ils ont eu également recours au crédit que leur fournirent banquiers juifs et grands propriétaires fonciers autrichiens. Bref, malgré des moments difficiles, ils furent capables de défendre la Hongrie face au péril turc et d'entretenir une armée de qualité dont les effectifs décuplèrent entre les traités de Westphalie (1648) et les débuts de la Révolution française, tout en faisant de Vienne une des capitales européennes de la musique et de beaux-arts.
L'ouvrage met en lumière les côtés positifs des finances autrichiennes plutôt qu'il n'insiste exagérément sur certains travers, propres d'ailleurs aux finances publiques d'Ancien Régime en Europe, les difficultés de trésorerie ou les inégalités fiscales frappant certaines provinces et certains contribuables. Le bilan semble plutôt positif puisqu'en trois siècles, les ressources de l'Etat ont été multipliées par vingt, la dette publique contenue dans des limites raisonnables tout en décuplant les effectifs de l'armée permanente. Néanmoins, la structure politique de la monarchie habsbourgeoise, qui ne fut jamais une monarchie absolue, n'a pas permis, même à Joseph II, de faire des réformes fiscales profondes, les aristocraties locales ayant eu jusqu'au bout le moyen de défendre leurs intérêts économiques.
‡ Les Habsbourg et l'argent, de la Renaissance aux Lumières, Jean Bérenger, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2014, 521 p. (24 €)