Une délégation du musée de l'Ermitage a sorti le vase de sa vitrine. Enquête en cours.
Le fameux vase Gallé brisé mystérieusement dans sa vitrine à Vic-sur-Seille n'est désormais plus visible. Il a été retiré de la vue du public mais ne rejoindra, en principe, Saint-Petersbourg qu'à la fin de l'exposition, en compagnie des autres pièces prêtées. Dans la vitrine, il ne reste plus qu'une seule des urnes jumelles décorées d'orchidées.
Une équipe du musée de l'Ermitage, conduite par la conservatrice en chef, est venue constater les dégâts. Deux experts ont examiné le vase. Les vidéos de surveillance du musée départemental Georges de la Tour vont également être analysées. L'identification de la cause, ou des causes, pourrait être relativement longue.
Toutefois, en Lorraine pays du verre et du cristal, le phénomène ne paraît pas aussi mystérieux qu'il parait. « C'est un vase en cristal multicouches », explique Jean-Claude Mathiot, verrier à Baccarat. « Il a été exécuté en plusieurs phases, la cuisson est évidemment cruciale. La mise en température est progressive suivant l'épaisseur. L'extérieur refroidit plus vite que l'intérieur, il y a des paliers à respecter pour éviter qu'apparaissent des tensions au sein de la pièce. »
A l'époque de la fabrication du vase, Emile Gallé utilisait un four à bois. « Les cristalleries étaient installées dans les régions à forte capacité forestières car elles étaient grosses consommatrices de bois », poursuit Jean-Claude Mathiot. « Les fours à bois ne permettaient pas toujours des cuissons parfaitement homogènes, et cela malgré le grand talent de l'artiste verrier. »
Les couleurs et les différentes textures des verres utilisés sont également susceptibles d'engendrer des fragilités et des tensions. « Une pièce peut se fendre au bout de quelques semaines, ou tenir un siècle sans soucis et se briser à cent ans et deux jours », ajoute le verrier de Baccarat. « Une variation de températures d'une quinzaine de degrés, voire moins, peut suffire à compromettre la solidité. Surtout s'il y a des tensions résultant de la cuisson. Ces tensions peuvent être facilement observées à l'aide d'un polariscope (1). »
Cette mésaventure n'aura eu qu'un seul aspect vaguement positif : des visiteurs se sont déplacés spécialement pour voir le vase brisé alors qu'ils avaient déjà vu l'exposition ou même qu'ils n'avaient pas prévu de venir à Vic-sur-Seille... Indépendamment de l'incident, « Emile Gallé : nature et symbolisme, influence du Japon » est un succès puisque ce sont déjà 38.000 visiteurs qui l'ont visitée.
(1) Le polariscope est utilisé notamment en gemmologie. Il permet de rendre visibles les tensions internes.
[d’après l’Est Républicain | 20.08.09]