Les livres des bénédictins ont retrouvé les boiseries de l'abbaye de Moyenmoutier à la bibliothèque multimédia d'Épinal.
Tout est neuf ici, mais en parcourant la salle des livres anciens, on se croirait revenu au XVIIIe. Les portes, le mobilier, la disposition même des ouvrages sont les mêmes qu'en 1750. L'architecte a calculé la hauteur des plafonds en fonction de celle des boiseries. La salle épouse la forme d'un trapèze : un effet de trompe-l'œil accentue l'impression de grandeur, sourit Jacques Grasser. L'adjoint à la culture de la Ville d'Épinal est l'un des principaux artisans de la reconstruction de l'ex-bibliothèque municipale, devenue bibliothèque multimédia de la communauté de communes Golbey-Epinal. Une condition posée d'emblée par les élus a été la prise en compte des boiseries dans les études de projet.
Regroupés en U, ces épis de chêne chargés de livres entouraient les religieux comme dans un cabinet de travail. En 1825, la bibliothèque publique d'Épinal a hérité de ces trésors du patrimoine. Pas de problème pour abriter les meubles d'origine dans ce bâtiment quadrangulaire. Mais l'affaire a tourné au casse-tête quand il a fallu déménager et caser les quarante mille volumes du fonds patrimonial dans l'espace exigu et allongé de la Maison Romaine. Ce bâtiment pittoresque, orné de colonnades, recouvrait pêle-mêle fonds ancien, livres contemporains, fichiers et administration. Un capharnaüm non dépourvu de charme, mais peu hospitalier pour le personnel et les visiteurs. La création d'une mezzanine en 1982 a procuré une bouffée d'oxygène. Mais le préfet ayant rejeté un projet d'agrandissement trop bétonné à son goût, la bibliothèque a continué de lutter contre l'asphyxie. La voici enfin à son aise dans un vaste espace de 5000 m².
Les boiseries disposent d'un espace spécifique. On peut venir consulter en groupe les ouvrages anciens, sauvés par miracle des pillages de la Révolution. On y trouve des manuscrits datant du début des abbayes de Senones, Etival et Moyenmoutier. Le plus ancien remonte au VIIIe. Mais ce qui pique le plus la curiosité, ce sont les collections du XVIIIe. Interdit ou à l'Index, comme l'Encyclopédie, plus d'un ouvrage témoigne de l'ouverture des bénédictins sur leur temps - celui de la philosophie dite « des Lumières ». Ces religieux, à l'instar de Dom Calmet qui correspondait avec tous les esprits pensants de l’époque, disposaient de la bibliothèque de « l'honnête homme du XVIIIe siècle.»
Epinal est en pleine résurrection. Alors, ami lecteur et amateur de patrimoine, ne te prive pas d'une promenade au berceau des abbayes savantes du XVIIIe en Lorraine en visitant la nouvelle bibliothèque spinalienne !
[Est Républicain | 24.05.09]
Commentaires
Quel article dithyrambique pour Epinal !! Il faut que j'aille voir cette nouvelle bibliothèque... Malgré tout je regrette les longs mercredis et samedis après-midi où nous allions entre lycéens passer notre temps entre les couloirs du magnifique bâtiment de l'héritière Boussac et la roseraie qui borde la Moselle... Cette bibliothèque-là n'était pas trop loin de tous les établissements scolaires de la ville.
A l'époque, nous avions exploré le bâtiment abandonné de la Société de Transports Automobiles des Hautes-Vosges (STAHV) à l'emplacement duquel s'élève désormais la médiathèque... Il n'était pas encore squatté et déterioré. Nous avions alors récupéré des dizaines de vieux journaux, dont un exemplaire de la Liberté de l'Est daté du jour où Gagarine avait gagné l'espace, et plein d'affiches et d'enseignes en métal, avant que le bâtiment ne parte en feu quelques mois plus tard, victime d'une bande de cinq jeunes de la ZUP... Souvenirs, souvenirs.
c'est une vision de journaliste, donc toujours un peu "arrangée" ! bref, ce doit être tout de même une belle réalisation. je n'ai connu - lorsque j'étais lycéen à Lapicque - que la bibliothèque du lycée... à l'époque, fin années 70-début 80, nous limitions nos déplacements en ville... et j'étais un élève sérieux (!) qui ne passait pas ses mercredis à trainer en ville ! en tout cas, c'est tant mieux si Epinal se modernise. le chef-lieu doit être la "locomotive" du département.
J'étais premier de la classe au lycée, de là à dire que j'étais un élève sérieux... J'étais plutôt du genre à faire les 400 coups. Mais lorsque nous allions les mercredis après-midis à la bibliothèque, c'était pour réviser notre baccalauréat !
Vous avez raison, il est sans doute bon pour Epinal d'avoir une bibliothèque moderne, mais je regrette que ce qui faisait le charme de la ville, de pouvoir tout faire à pied, disparaisse... Après la bibliothèque, c'est notre cher Cinéma Palace qui va être déplacé entre la nouvelle médiathèque et la patinoire...