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marcel martin

  • Nancy : il y a 50 ans, la folie destructrice s'abat sur la ville

    Près du quart du Nancy ancien a succombé à la rage destructrice des promoteurs immobiliers à partir des années 60. Ça ne dira pas grand-chose aux jeunes gens que ce combat que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître ou si peu.

    le-quartier-saint-sebastien.jpgLa ville de Nancy a perdu son intégrité dans les années soixante, lorsque les élus locaux de l'époque ont été pris d’une frénésie bâtisseuse avec pour leitmotiv quasi soviétique : « Du passé, faisons table rase ».

    Cela a commencé par le quartier Saint-Sébastien, représentant à lui seul environ le quart de la Ville Neuve de Charles III, tout entière construite selon les principes du théâtre classique de la même époque : unité de temps, de lieu et d’action.

    Sous le prétexte que le quartier était devenu pouilleux, donc dans l’esprit des rénovateurs, irrécupérable, on a commencé au milieu des années soixante par raser toute la partie ouest de la ville neuve, celle qui donnait sur les anciens remparts dominant eux-mêmes l’ancien étang Saint-Jean (les expulsés allèrent garnir la Chiennerie et le Haut-du-Lièvre tout neuf).

    Ne subsista plus que le lycée Cyfflé, belle réussite Arts Déco en sentinelle avancée d’un lieu devenu sinistre où le seul répondant était un autre bâtiment sinistre, la prison Charles III. Pendant des années, tout ce secteur fut transformé au milieu des années soixante en vaste parking.

    le-quartier-saint-sebastien-lors-des-demolition.jpgPuis les destructions allèrent jusqu’à l’église Saint-Sébastien, qui fut dépouillée de toute la partie ouest des rues Notre-Dame et des Ponts. À cette date, les trois-quarts du quartier avaient disparu, et avec lui une dizaine de couvents et des chefs-d’œuvre de l’époque classique et des Lumières.

    À la place, on vit s’ériger sous la municipalité Marcel Martin l’actuel Centre commercial, puis les quatre barres dites « Deromedi », du nom de l’architecte qui les a bâties. « Et on a échappé à une tour de cent mètres de haut, stoppée d’extrême justesse et remplacée par l’actuel Trident », explique Françoise Hervé, à qui on doit pour l’essentiel que le massacre à la bétonneuse n’ait pas été plus loin. « Je suis entré en combat lorsque j’ai appris que la rue du Four allait être portée de 7 à vingt mètres de large. La municipalité voulait tracer une pénétrante ouest-est, en transformant la zone de la rue des Fabriques, à l’est de la Ville Neuve, en zone de services et d’entrepôts… »

    Au nord, le quartier Saint-Epvre avait été préservé d’extrême justesse par la municipalité Marcel Martin, grâce à l’action de l’association « Renaissance de la Ville Vieille ». « Mais le maire entendait bien, contre la préservation de la ville vieille, avoir les mains libres sur la ville de Charles III ».

    Françoise Hervé - avec d'autres, dont l'érudit lorrain Jean-Marie Cuny - fait alors feu de tout bois, empêchant ici la destruction du quartier de la cathédrale, là la poursuite de la destruction du quartier de la gare. « Il ne devait pas y avoir que l’actuelle tour Thiers (Park Inn), mais deux autres tours devaient lui être accolées. L’Excelsior et l’hôtel d’Angleterre, comme je l’ai découvert au service de l’urbanisme de la ville, faisaient l’objet d’un permis de démolir et reconstruire par son propriétaire. Tout ce quartier devait disparaître sous les bulldozers, et se hérisser de tours. Il ne serait resté dans le secteur que la Porte Stanislas. La salle Poirel devait être également détruite, ainsi que la Chambre de Commerce. Le projet dit Folliasson était très vaste. Il allait jusqu’à la place Mathieu-de-Dombasle, le viaduc Kennedy, Saint-Léon, la rue Lepois. » On a échappé à Manhattan…

    Le coup d’arrêt fut donné lorsque Françoise Hervé et ses soutiens nombreux dans les diverses associations de sauvegarde organisèrent une grande exposition sur les richesses disparues et à disparaître de la ville neuve et de la ville Vieille, expo vue par 9.000 visiteurs intitulés crânement : « Vie ou mort de Nancy ». C’était en janvier 1975. Il ne restait plus que deux ans avant que la municipalité Marcel Martin ne tombe sous les soupçons d’affairisme. « Le maire était membre du conseil d’administration de la société qui construisait la tour Thiers… » Ce fut l’épilogue de la « pelouse la plus chère de France », où on aura vu le chocolatier Lalonde, dernier du village gaulois à résister à la pression des promoteurs et le leur faisant payer chèrement…

     

    Le mal était fait. La place Thiers, si joliment ombragée, un vrai cœur de ville où la bourgeoisie et la bohème sirotaient leurs cafés-crème et autres Fernet-Branca sur la terrasse, en écoutant l’orchestre du grand café était définitivement révolue.

    Place à la laideur.

     

    [d'après ER]