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  • Des Justes meusiens honorés

    La dernière cérémonie de remise de médaille de Juste à Longeville-en-Barrois (Meuse) a réveillé les mémoires. Deux nouvelles familles viennent de renouer des liens grâce à cette cérémonie.

     

    justes.jpgUne nappe de brouillard enveloppe la voie ferrée à Longeville-en-Barrois. Trois silhouettes se détachent, comme surgissant d'une histoire lointaine. Celle de l'évasion de dix-neuf déportés juifs du convoi 62, le 20 novembre 1943. C'est ce souvenir commun qui unit les enfants de Roger Gerschel et le fils de René Bernard.

     

    Deux autres familles ont pu reprendre contact dans les mêmes conditions. L'un des évadés, Joseph Cajgfinger, un tailleur de Metz, avait été, en effet, recueilli par Achille Domice, un éclusier de Longeville-en-Barrois. A l'initiative de Robert Cajgfinger, Achille et Simone Domice ont reçu, à titre posthume, le titre de Justes parmi les Nations par le Mémorial Yad Vachem de Jérusalem.

     

    La cérémonie, qui s'est tenue dans la Meuse, a réveillé les mémoires. En particulier celle de Jean-Claude Gerschel et sa sœur, les enfants d'un autre évadé : Roger Gerschel. «Nous savions que notre père avait été caché par quelqu'un à Longeville-en-Barrois. Rien de plus ». Peu de temps après la cérémonie, la famille Gerschel s'est rendue à Bar-le-Duc en train, effectuant le même parcours que leur père et leur oncle Georges.

     

    Arrêtés à Chalon-sur-Saône, Roger et Georges Gerschel ont été internés à Drancy, l'antichambre de la mort. Rapidement, les deux frères, décrits comme des forces de la nature, ont rejoint un groupe de résistants qui travaillaient jour et nuit dans la clandestinité. Objectif : creuser un tunnel pour faire évader tous les prisonniers. Dénoncés, quatorze d'entre eux ont été placés dans le wagon du convoi 62. Le même désir unissait les hommes, qui ont réussi à cacher des outils de fortune.

     

    Les résistants savent que le train allait ralentir dans la montée de Lérouville, mais les barreaux ne cèdent pas facilement. Au dernier moment, ceux que l'on nommera par la suite « les diables de Gerschel » ont arraché les grilles à mains nues. Dans le wagon, la plupart des déportés sont pétrifiés par la peur. Cinq se décident à sauter par la lucarne. Parmi eux, Joseph Cajgfinger et Charles Magier qui, amputé d'un pied, sera sauvé par des cheminots avant l'arrivée d'une patrouille allemande.

     

    Roger Gerschel, qui a perdu son frère, erre dans l'obscurité. Sur le pont de Dammarie, il croise René Bernard, un ébéniste, qui rentre chez lui à vélo après une journée de travail. « Mon père m'a toujours raconté qu'il n'avait pas hésité une seconde », raconte Jean-Paul Bernard, qui vit à Naives-devant-Bar. « Il l'a fait monter sur le cadre de son vélo et l'a ramené chez lui à Longeville-en-Barrois ».

     

    Depuis le début de la guerre, Jean-Paul Bernard est hébergé avec sa femme chez sa propre mère Louise Bernard. Cette dernière accueille le fugitif sans poser de question. Et pourtant, un soldat allemand, qu'elle est obligée d'héberger, dort dans une chambre du rez-de-chaussée. Dans la pure tradition de l'hospitalité lorraine, Jean-Paul Bernard et son frère, servent du sanglier et une truite. Roger Gerschel n'oubliera jamais ce festin.

     

    Le lendemain, le photographe barisien Victor Althusser, le chef de la résistance, lui fait des faux papiers. L'évadé peut alors retrouver les siens.

     

    Soixante-cinq ans après, les Gerschel ont fait une demande de reconnaissance de Justes parmi les Nations pour Jean-Paul Bernard, sa femme et sa mère. « Mon père a fait du bien toute sa vie. Et il n'a jamais réalisé à quel point », conclut Jean-Paul Bernard.

     

     

    [d’après l’Est Républicain | 08.02.09]