La Lorraine commémore cette année le 330ème anniversaire de la bataille contre les Ottomans menée notamment par le duc de Lorraine Charles V devant Vienne, en Autriche. Elle mit un terme à l'invasion musulmane en Europe.
Charles V de Lorraine, né à Vienne le 3 avril 1643, mort à Wels (Autriche) le 18 avril 1690, fut duc de Lorraine et de Bar en titre de 1675 à 1690. Il était fils de Nicolas François, brièvement duc de Lorraine, et de Claude de Lorraine.
En septembre 1683, avec le concours du roi de Pologne Jean III Sobieski, il attaque et vainc les Turcs qui assiégeaient Vienne depuis deux mois.
Sur la colline du Kahlenberg, dans les environs de Vienne, le 12 septembre 1683, les 250 000 soldats turcs du grand vizir, Kara Mustafa Pacha, sont vaincus par l’armée autrichienne et allemande (70 000 hommes) commandée par le duc Charles V de Lorraine, et l’armée polonaise (30 000 hommes) du roi de Pologne Jean III Sobieski.
Les Turcs sont forcés à une retraite désordonnée et rapide. Le sultan donne l’ordre de décapiter le grand vizir vaincu. C’est la fin de la précédente expansion turque en Europe et le début de la reconquête des pays européens occupés par les Ottomans.
Les Turcs avaient mis le siège devant Vienne le 14 juillet 1683 et déjà une partie des remparts viennois étaient pris. Si Vienne tombait les Ottomans pouvaient poursuive leur invasion de l’Europe (Vienne est à peine à 750 km de Strasbourg !).
Mais plusieurs pays européens surent s’unir pour venir au secours de Vienne et conjurer la menace. Arrivées devant Vienne depuis leurs pays respectifs les forces européennes surent également, pour plus d’efficacité, décider très vite d’avoir un commandement unique centré sur le roi de Pologne. Celui-ci mena lui-même la charge de cavalerie finale décisive avec ses redoutables lanciers polonais et la cavalerie des autres pays, peut-être la plus grande charge de cavalerie de l’histoire.
En reconnaissance pour cette victoire, le pape Innocent XI institue la fête du Saint-Nom de Marie (elle ne figure plus aujourd’hui au calendrier romain) et les boulangers viennois créent la brioche en forme de croissant (l’emblème mahométan !) pour commémorer l’évènement. Désormais, ne mangeons plus nos croissants sans une pieuse pensée pour les valeureux défenseurs de l’Europe chrétienne qui surent s’unir pour arrêter et faire refluer cette invasion turque ce 12 septembre 1683.
Et vive le duc de Lorraine Charles V !
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La statue du duc Charles V déposée dans la chapelle des Cordeliers de Nancy retrouvée chez un antiquaire parisien : vicissitudes d’un chef d’œuvre lorrain
Statue du duc de Lorraine Charles V, début XVIIIe s.
(hauteur 181 cm, 57 cm x 57 cm, pierre de Savonnières).
La présence de la statue dans la chapelle des Cordeliers de Nancy est attestée en 1848, dans l’ouvrage de Jean Cayon, Histoire physique, civile, morale et politique de Nancy, publié à Nancy chez Cayon-Liébault, p. 118.
Une étude de l’abbé Guillaume publiée dans le Bulletin de la Société d’archéologie lorraine (t. TT n° 1, Nancy, 1851) en donne l’origine.
Sous la Restauration, M. Noël, notaire honoraire, proposa l’érection d’un monument dédié à la mémoire de Léopold. Une souscription fut lancée en 1828. Le roi Charles X offrit le marbre destiné à réaliser un buste et la ville de Nancy offrit deux grandes statues représentant l’Espérance et la Foi de Bagard pour encadrer le monument qui provenaient du mausolée de Jean des Porcelets de Maillane, évêque de Toul de 1607 à 1624, édifié dans l’église du collège des Jésuites à Nancy.
La révolution de 1830 suspendit le projet.
M. Noël reprit ensuite son projet avec l’aide de Chatelain, architecte du département, et le 21 novembre 1840 le cénotaphe fut inauguré dans la chapelle des Cordeliers. Le buste de Léopold fut sculpté par Lépy pour le prix de 1 200 F.
Après avoir achevé ce premier ouvrage, Noël souhait édifier un monument à la mémoire de Charles V, il acheta sur les instance du marquis de Ludres et de divers souscripteurs du monument de Léopold au marbrier Michel, pour 200 F., la statue de Charles V en « costume de guerrier romain » qu’il fit placer sur un socle, en face de la chaire de l’église des Cordeliers.
Des cartes postales des années 1930 reproduisent les images des deux mausolées.
A quelle date, ces monuments furent-ils détruits ?
En tout cas, le buste en marbre blanc de Léopold a sans doute été offert au musée de Lunéville pour être placé à l’entrée de la porte du musée municipal dans le vestibule aménagé au-dessus de l’escalier sud du château. Par miracle, il a été préservé du feu en 2003. Il est à présent oublié dans les réserves.
Quant aux deux statues de Bagard et celle de Charles V, que sont-elles devenues ? Dans quelles conditions Charles V est-il sorti des collections du Musée lorrain. Acquis par souscription publique, l’œuvre était devenue inaliénable.
Voici 7 ou 8 ans, la statue de Charles V était présentée chez un grand antiquaire parisien.
En 2012, la découverte d’une carte postale du monument de Charles V dans la chapelle des Cordeliers a permis de faire le rapprochement et de localiser la statue.
Le duc Charles V, malgré quelques mutilations, a encore beaucoup d’allure. Il se masque désormais sous l’identité de Louis XIV chez un marchand d’Ile-de-France. Attribué à l’entourage de Martin van den Bogaert (1637-1694), dit Martin Desjardins, qui réalisa une statue à l’antique du Roi-Soleil représenté également en pied, Charles V - alias Louis XIV - est proposé au prix de 380 000 euros.
Cette œuvre, composée à l'extrême fin du XVIIe siècle ou au tout début du XVIIIe, sans doute vers 1700, au moment du retour en Lorraine des cendres du souverain primitivement inhumé à Innsbruck en 1690, est à rapprocher de celle qui ornait autrefois le modeste monument élevé en l'honneur du père de Léopold de Lorraine dans la chapelle des Cordeliers de Nancy.
Réalisée en pierre de Savonnières (Meuse), l’œuvre peut davantage être attribuée au Lorrain Rémy-François Chassel (1665-1752) dont on connaît un superbe buste en marbre, passé en vente en juillet 2011 à Monaco.
Comme on le voit, la statue de duc Charles V du Musée lorrain n’est pas perdue pour tout le monde… Et son retour en Lorraine serait le bienvenu !
[source : Jacques Charles-Gaffiot]
[ER]