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Vers une liaison Saône-Moselle ?

Véritable serpent de mer, la liaison entre la Méditerranée et la Mer du Nord refait surface avec le projet de jonction de la Saône et de la Moselle. Pédagogie et débats autour d'un projet structurant titanesque.

 

Saone-Moselle.jpgUn canal d'une longueur de 200 à 250 kilomètres entre Neuves-Maisons (Meurthe-et-Moselle, Lorraine) et Saint-Jean-de-Losne (Côté d'or, Bourgogne) afin de relier la Saône et la Moselle. Le tout pour la rondelette somme de 10 milliards d'euros. Un projet titanesque traversant le département des Vosges du nord au sud via les environs de Neufchâteau et de Contrexéville. Plein de démesure. Une idée folle ?

 

Pas tout-à-fait. La construction d'une telle voie fluviale permettrait de mettre en connexion, par l'intérieur des terres, la Méditerranée et la Mer du Nord. Un projet tant rêvé depuis l’Antiquité, et qui resurgit dans les songes de nombreux décideurs politiques, entrepreneurs actifs et simples citoyens de Lorraine, de Bourgogne et de Franche-Comté, les trois régions principalement et directement concernées.

 

Les objectifs poursuivis sont clairs : œuvrer pour le développement durable en favorisant le transport fluvial dont le coût environnemental est extrêmement faible, désengorger les autoroutes du nord-est des innombrables camions qui les empruntent, et stimuler les économies sinistrées de ces grandes provinces françaises.

 

À présent, la mission est de faire de ce doux rêve une concrète réalité. Des études ont ainsi, d'ores et déjà, été menées, autant sur les plans socio-économique que technique. D'autres sont en cours. Quatre couloirs de passage ont été retenus pour accueillir la liaison fluviale, dans une bande d'une quarantaine de kilomètres.

 

Une bande qui englobe la circonscription de Jean-Jacques Gaultier, député et conseiller général des Vosges. Vigilant sur le suivi du dossier, il rappelle : "La poursuite des études est nécessaire. Elles sont faites pour préparer le débat public prévu en 2012 par la loi Grenelle 1, loi votée à la quasi-unanimité."

 

Et Patrick Hatzig, vice-président au Conseil régional de Lorraine délégué aux infrastructures et aux transports, soutien de la première du projet, de poursuivre : "Il faut mener les études comparatives pour créer les conditions démocratiques du débat. C'est ce que le Président de la République a réaffirmé lors de son déplacement en Moselle. Et la question sera tranchée en connaissance de cause en 2012."

 

canal.jpgPourtant, à peine imaginé, loin d'être creusé, le canal Saône-Moselle soulève déjà bien des polémiques, notamment du côté des Verts qui se verraient bien, à l'instar de leur enterrement en règle du canal Rhin-Rhône en 1997 avec l'arrivée de la gauche plurielle au Palais Bourbon et de Lionel Jospin à Matignon, en fossoyeur du projet. "La liaison Saône-Moselle est une fausse bonne solution. Elle va nécessiter une énorme quantité d'eau car elle suppose de nombreuses écluses. Elle va dénaturer les paysages et détruire les éco-systèmes, sans parler de la disparition des terres agricoles", accuse Jean-François Fleck, conseiller régional (Verts), détracteur de la première heure du "canal de l'absurde". L'écologiste poursuit son argumentaire à charge : "Je ferais un parallèle avec la RN66. Quand on regarde une carte, il n'y a que quelques kilomètres pour faire la jonction. Mais, sur le terrain, le contournement qu'il nécessite en fait un projet absurde, coûteux et destructeur."

 

Un raisonnement contesté par Patrick Hatzig, lui qui voit dans le canal l'opportunité de faire de la Lorraine un "carrefour, un lieu de transit des marchandises". "Le canal n'ira pas à fond de vallée, il sera à flanc de coteaux. Il ne remplacera donc pas les cours d'eau, répond-il, alors il n'y aura aucun problème pour l'environnement et la biodiversité." Autant dire que les discussions politiques sont lancées et animées. Avant l'heure.

 

Car le débat public - "officiel" - se tiendra bien en 2012. Et, sans doute, les premiers coups de pelle dans les sols de la vallée vosgienne ne viendront pas avant l'horizon 2025. D'ici là, bien de l'eau aura eu le temps de couler sous les ponts de la Moselle et de la Saône. Un long temps de suivi, au fil de l'eau, d'un projet dont la polémique qu'il suscite n'a de mesure que le gigantisme qu'il abrite.

 

Tanguera-t-il devant les obstacles dans la mer agitée d'une nature fragile et capricieuse ? Chavirera-t-il dans la tempête soulevée par des écologistes qui ont le vent en poupe ? Sur le pont, barre en main, les capitaines du navire "Sâone-Moselle" entendent bien être les premiers hommes à mener une embarcation de la Méditerranée à la Mer du Nord. Par les terres, sans escale.

 

[Vosges Matin |16.11.09]

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