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Françoise de Graffigny : une femme au siècle des Lumières

Dans « Madame Péruvienne », Gilbert Mercier édite un nouveau roman dans lequel  il trace le portrait de Françoise de Graffigny, auteur lorraine prolixe du XVIIIe siècle.

 

Tous les Lorrains connaissent le nom de Madame de Graffigny, qui possédait le château de Villers-lès-Nancy perpétuant sa mémoire, et pourtant peu savent qui était cette femme de lettres du Siècle des Lumières.

 

gilbert mercier.jpgGilbert Mercier a croisé l'arrière-petite-nièce du graveur Jacques Callot alors que, journaliste, il rédigeait une histoire du château de Lunéville, en 1966, à l'occasion du bicentenaire du rattachement de la Lorraine à la France. Françoise de Graffigny y apparaissait au côté de figures plus marquantes : Emilie du Châtelet et Voltaire. Après avoir consacré un livre à Bébé, le nain de Stanislas et un roman biographique à « Madame Voltaire » (Emilie du Châtelet), l'auteur a convaincu son éditeur, Bernard de Fallois, que Madame de Graffigny, bien qu'ancrée dans sa terre lorraine avait vécu une existence tellement romanesque qu'elle pouvait toucher tous les lecteurs.

 

Une sacrée bonne femme en effet que cette fille de hobereau lorrain, flambeur qui ruina sa famille. La duchesse douairière Elisabeth-Charlotte de Lorraine, protectrice de « La Grosse », comme elle appelait familièrement Françoise qu'elle avait élevée au rang de dame de compagnie, avait cru faire son bonheur en la mariant à François Huguet de Graffigny. Joueur et buveur, il battait sa jeune épouse…

Chez Emilie du Châtelet et Voltaire

Séparée de son « tortionnaire » mais sans un sou vaillant, Françoise sut trouver des appuis auprès de gens qui comptaient. Elle trouva notamment refuge à Cirey-sur-Blaise, chez Emilie du Châtelet et Voltaire. Les quelques mois passés en la compagnie du couple font l'objet d'un passionnant passage du roman qui met en évidence les caractères des trois personnages. Jalouse de la proximité littéraire qui s'était installée entre l'auteur de Zadig et sa visiteuse, Emilie du Châtelet affichera une aigreur nourrie par la jalousie, rabaissant sa pensionnaire au rang de redevable du gîte et du couvert. Gilbert Mercier a pu puiser dans les travaux effectués par des universitaires anglais et canadiens sur la correspondance de Madame de Graffigny pour étayer son roman.

 

madame de graffigny.jpgIl s'est aussi appuyé sur l'ouvrage écrit par Georges Noël, descendant des légataires de Durival, chroniqueur de la cour de Lunéville. Des érudits lorrains lui ont aussi permis de raconter l'existence conjugale de l'infortunée Françoise, plus heureuse avec des amants qu'elle choisissait jeunes, mais surtout en littérature. Ses Lettres d'une Péruvienne, un roman épistolaire, qu'on trouverait, à notre époque, trempé dans de l'eau de rose, lui valurent une notoriété considérable. Gilbert Mercier voit la clé de ce succès dans le mérite de Françoise de Graffigny d'avoir compris que son siècle attendait de la sensibilité et de l'émotion. Elle lui en donna encore avec « Cénie » (« nièce » en verlan), « comédie larmoyante » écrite en hommage à sa nièce Minette, future Madame Helvétius.

 

Si les ouvrages de Madame de Graffigny ne font plus, aujourd'hui, pleurer dans les salons et les chaumières, demeure un personnage romanesque en diable qu'on sent palpiter sous la plume de Gilbert Mercier.

 

• Madame Péruvienne, Gilbert Mercier, éditions de Fallois, 250 p. (22 €). En librairie à partir du 10 septembre 2008.

 

 

[d’après L'Est Républicain | 25.08.2008]

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