Le titre de « Juste » sera remis au neveu d'un couple de Chantraine (Vosges) qui avait recueilli deux fillettes juives durant l'Occupation.
Le dossier de demande de reconnaissance avait été déposé en 2003 auprès du comité Yad Vashem de Paris. Maurice Baran-Marszak, petit-cousin des deux fillettes, à l'origine de cette démarche se félicite de son aboutissement.
Le titre de « Juste parmi les Nations » sera décerné à titre posthume à Marie et Auguste Colin le 18 décembre lors d'une cérémonie à l'hôtel de ville d'Epinal.
C'est leur neveu, Gabriel Colin, domicilié à Ventron, qui recevra la médaille et le diplôme décernés par le comité français pour Yad Vashem. Un titre décerné à ce couple « pour avoir aidé à leurs risques et périls des juifs pourchassés pendant l'occupation ». Les noms de Marie et Auguste Colin seront également gravés sur le Mur d'honneur dans le Jardin des Justes parmi les nations à Yad Vashem, Jérusalem.
Le 13 juillet 1942, Paul Glicenstein et son épouse Cyrla, née Baron, étaient arrêtés à Epinal par la Gestapo et un policier français puis transférés à Drancy et déportés à Auschwitz. Ils laissaient derrière eux deux filles : Ida, âgée de 14 ans, et Josette, 4 ans. Elles furent recueillies par Marie Colin, de Chantraine, leur nounou, alors âgée de 48 ans et son époux Auguste, 49 ans, jardinier, qui demeuraient route des Bains à Chantraine.
« Les enfants étaient déjà gardées par ma tante car leurs parents, forains sur les marchés, travaillaient énormément », explique Gabriel Colin.
Les deux fillettes seront protégées et choyées par le couple. « Ils avaient le cœur sur la main et ne se posaient pas de questions », ajoute Gabriel Colin. Plusieurs mois plus tard, les Allemands viennent perquisitionner le domicile d'un voisin nommé également Colin. Vraisemblablement à la recherche des fillettes. Averties, les gamines ont le temps de se cacher dans une tranchée creusée par Auguste et recouverte ... de purin. Le Colin en question est le maire de Chantraine.
Marie, Auguste et leurs voisins, la famille Thiriet, qui avaient eux aussi souvent accueilli les fillettes, jugent alors qu'elles ne sont plus en sécurité. Les deux filles quittent la région et passent la ligne de démarcation grâce à une chaîne de solidarité. L'aînée voyage en train seule tandis que la plus jeune est prise en charge par un couple depuis Paris. Ida est accueillie à Bollène dans le Vaucluse, chez des cousins de sa mère, la famille Rozenberg. Elle y retrouve Marceline qu'elle avait connue à Epinal. Marceline - qui sera déportée en 1944 à l'âge de 15 ans avec son père à Auschwitz-Birkenau - est devenue ensuite la réalisatrice et écrivain Marceline Loridan-Ivens. Pendant les deux années suivantes, Ida vivra et travaillera dans le Puy-de-Dôme et l'Allier.
A la Libération des Vosges en septembre 1944, Ida et Josette retourneront vivre auprès des familles Colin et Thiriet. Mais, en 1946, pressées de venir s'installer aux Etats-Unis par des tantes, elles quitteront les Vosges à contrecœur.
Devenue citoyenne américaine, Ida adoptera un nouveau prénom, celui de Jacqueline, se mariera et aura deux enfants. Ida n'oubliera jamais Marie et Auguste. Elle leur écrira très régulièrement.
« Marie était heureuse de nous montrer toutes ces lettres qui venaient des Etats-Unis », raconte Gabriel. Longtemps après la guerre, Ida est revenue en visite dans les Vosges et à Nancy où elle avait conservé de la famille. En 1981, Jacqueline Wolf a publié le récit de ces années sous le titre « Take care of Josette » (1). « Prends soin de Josette » : cette phrase avait été la dernière recommandation faite à l'aînée par la maman lors de son arrestation. En 1994, Ida-Jacqueline est décédée tandis que sa sœur Josette vit toujours aux Etats-Unis.
(1) Un ouvrage traduit en français et paru chez l'Harmattan, en 2003 sous le titre « Récit en hommage aux Français au temps de l'Occupation ».
[d'après l'Est Républicain | 24.11.08]