En s'embarquant avec soixante-dix caisses de matériel, le 26 mars 1913, sur le paquebot Europe en partance pour l'Afrique afin d'y devenir médecin missionnaire dans le village reculé de Lambaréné, Albert Schweitzer n'est pas un jeune idéaliste refaisant sa vie sur un coup de tête. C'est un homme de trente-huit ans bien installé dans la société, assumant pleinement une décision radicale, mûrie pendant des années avec celle qui est devenue son épouse et qui l'accompagne, Hélène Bresslau.
Albert Schweitzer, à la stupéfaction de ses proches, interrompt une carrière qui s'annonce brillante d'universitaire, de pasteur et de musicien pour partir en Afrique soigner les corps et les âmes des plus deshérités parmi les humains. Théologien luthérien et philosophe respecté, prédicateur exigeant et chaleureux, organiste talentueux parcourant l'Europe pour donner des concerts, Albert Schweitzer répond à un appel insistant qui l'a conduit, à trente ans passés, à entamer des études de médecine pour être à la hauteur du défi de sa vocation.
Puisant à des sources peu connues, l'auteur détaille les "années alsaciennes" d'Albert Schweitzer, son enfance dans la vallée de Munster, sa jeunesse et sa formation, les rencontres qui l'ont façonné, ses débuts prometteurs à l'Université de Strasbourg et au sein de la confession protestante, ainsi que l'envoi de sa carrière de musicien. Il fait apparaître un jeune homme passionné et scrupuleux, tirant profit de sa double culture française et allemande, acharné au travail, tendu vers un idéal qui nécessitait un engagement total. "L'homme universel", futur Prix Nobel de la paix, celui qui a changé le regard des Occidentaux sur leurs responsabilités face au tiers-monde, se révèle ici dans sa riche complexité et son attachante humanité.
‡ Albert Schweitzer. Les années alsaciennes 1875-1913, Matthieu Arnold, éditions La Nuée Bleue, 2013, 285 p., ill. (20 €).