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affaire criminelle

  • A propos de l'affaire Busenet...

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    Le spectacle son et lumière « La Lune écarlate » présenté cet été à Bleurville par la Compagnie L’Odyssée revisitait une affaire criminelle qui marqua profondément le bourg de Bleurville autour des années 1760. Cette interprétation spectaculaire de « l’affaire Busenet » a provoqué un intérêt renouvelé pour l’histoire locale et a suscité nombre de questions chez les habitants du village mais également chez tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de notre région.

    Qui était donc ce François Busenet qui fut condamné à mort en 1769 pour de multiples meurtres perpétrés à Bleurville et dans les environs ?

    Les Busenet apparaissent à Bleurville dès la fin du XVIIème siècle puisqu’en 1695 un Nicolas Busenet est recensé parmi les chefs de familles qui paient une redevance au prieuré Saint-Maur.

    Il semblerait que les personnes portant le patronyme « Busenet » soient originaires de Bourgogne (Côte d’Or et Yonne) et, en particulier provenant des communes de Minot et Salives (Côte d’Or, pays Châtillonnais). Celles-ci immigrèrent vers la Franche-Comté puis la Lorraine après la guerre de Trente Ans à la fin du XVIIème siècle, répondant ainsi aux appels du duc de Lorraine qui souhaitait repeupler les contrées saignées à blanc à la suite du malheur des guerres.

    Le patronyme « Busenet/Buzenet/Bussenet » proviendrait du nom dont était affublé les joueurs de « businette », sorte de trompe ou de trompette que l’on utilisait en Bourgogne pour faire danser les villageois.

    Les Busenet s’installent en Lorraine principalement à Bleurville entre 1695 et 1730 et à Contrexéville entre 1722 et 1775. Etaient-ils issus de la même famille ? En l’état actuel de nos recherches, nous ne pouvons l’affirmer. Quoi qu’il en soit, nous ne trouvons plus aucun Busenet à Bleurville au début du XIXème siècle : les femmes mariées nées Busenet (et apparentés notamment à la famille Froment) ne réactivèrent jamais le nom de Busenet tellement celui-ci était devenu en horreur.

    Les archives conservent la traces de membres de la famille Busenet qui s’illustrèrent « honnêtement » dans la vie du bourg : ainsi entre 1748 et 1758, François Busenet (probablement notre tristement célèbre criminel) est syndic de la communauté (c’est-à-dire maire chargé de la défense des intérêts des habitants). En 1722 et 1723, un règlement de succession est enregistré lors du décès de Nicolas Busenet, chapelier à Bleurville, au profit de sa femme Anne Thiébault et de ses quatre enfants Nicolas (qui reprendra le commerce de chapelier de son père), Simon, François (probablement notre futur meurtrier) et Anne. En 1749, Claude Busenet, bourgeois de Bleurville, est témoin de la donation d’un tabernacle à l’église paroissiale par les bénédictins de Saint-Nicolas-de-Port.

    De nouveaux drames

    9c6ae84588dd35fc67c0589fc84f4a48.jpg Si l’on connaît relativement bien le déroulement de cette affaire criminelle grâce aux recherches menées par l’abbé Melchior Dion à la fin du XIXème siècle et par Jean Bossu, journaliste à La Liberté de l’Est, dans les années 1960, nous pouvons encore exhumer des archives de nouvelles révélations à propos de cette sordide affaire.

    Ainsi cet épisode encore ignoré des historiens jusqu’à ce jour : en février 1766 un homme de Darney est attaqué « à coups de pistolet » sur la grande route royale qui va de Lorraine en Franche-Comté (actuellement dénommée « voie romaine ») sur le territoire de la commune de Serocourt. Fort heureusement, il ne dut son salut qu’au passage de deux voyageurs qui lui portèrent rapidement secours. Les enquêteurs du bailliage de Lamarche relient cette tentative de meurtre à ceux qui furent commis dans des circonstances similaires dans la région et, en particulier, celui d’un marchand de bœufs de Godoncourt qui sera tué en mai 1768 sur le chemin entre Monthureux et Bleurville et retrouvé à demi enterré dans une raie d’un champ sur le finage de Bleurville.

    C’est d’ailleurs à la suite de ce dernier crime que l’enquête va aboutir à la mise en cause de François Busenet. Le 9 janvier 1769, le procureur royal au bailliage de Lamarche, le sieur De Bourgogne, entend les témoins (nous ne connaissons malheureusement ni leurs noms ni leurs qualités) dans l’information engagée contre François Busenet. La procédure est désormais lancée. Elle aboutira, quelques mois plus tard, à la condamnation et à l’exécution le 26 juillet 1769 du plus grand criminel que Bleurville n’ait jamais connu.

    Il serait intéressant de connaître les mobiles qui ont poussé Busenet à devenir un « serial killer » (ou tueur en série). L’appât de l’argent ? Son commerce connaissait-il des difficultés financières ? La schizophrénie ? Etait-il atteint d’une pathologie psychiatrique le poussant au crime ? Seul la découverte du jugement de condamnation pourrait nous aider à répondre à ces questions. Sans oublier le pauvre Martin qui fut doublement victime d’enquêteurs et de juges indignes, et du monstrueux Busenet.

    Et nous conclurons – non pas en chanson – mais par la complainte que firent circuler les colporteurs à la suite de l’affaire Busenet et qui jetait l’opprobre sur les Bleurvillois. Une seule strophe nous est encore connue :

    "Je suis natif de Bleurville,

    Je m’appelle François Busenet,

    Quand je vais de ville en ville,

    Que je me rende au cabaret,

    Je suis connu comme assassin,

    Plus que Cartouche aussi Mandrin !"

    Si la suite n’est plus connue, il reste encore le sobriquet qui désignait les gens de Bleurville : « les Busenets ». Jeté à la figure d’un habitant du village équivalait à le traiter d’effroyable bandit !

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    [illustrations : spectacle "La lune écarlate" d'août 2007 et carte de Cassini (Bleurville), XVIIIe s.]

    Merci à A. B. pour son article à paraître dans L'Echo des Trois Provinces.