Des nuées de ces coléoptères épouvantent les habitants du sud des Vosges. Leurs larves, de plus en plus nombreuses, dévasteront les prairies l’an prochain. Pire : presque plus aucun moyen de lutte n’est autorisé aujourd’hui.
Thorax recouvert de poils gris, antennes aux lamelles orangées, ils mesurent jusqu’à 3 cm… « Ils sortent vers sept-huit heures le soir. Ça vous tape dans la figure. La façade du voisin en était toute noire il y a trois jours », dit Bernard Floriot. Sur les hauteurs de Godoncourt, près de Monthureux-sur-Saône, l’éleveur de moutons ramasse des seaux de hannetons lorsqu’il secoue les arbres fruitiers de ses pâturages. « Je les fais griller dans la chaudière. » Les bestioles raffolent particulièrement des feuilles de mirabelliers, d’érables, de chênes pédonculés et de cerisiers.
Le directeur du Groupement de défense des ennemis de la culture, Vincent Potaufeux, soupire : « Ça fait vingt-cinq ans qu’on travaille sur le hanneton et plus on y travaille, moins on a de solutions. »
Car, les nuages de hannetons qui tournoient dans les phares des voitures, le soir dans le sud et le sud-est des Vosges, leur bourdonnement inquiétant, leur vol lourd et maladroit qui finit contre les pare-brise, leurs trois paires de pattes brunes s’accrochant dans les cheveux, ce n’est rien… Rien, à côté des dégâts que vont occasionner les milliards de larves qui sont pondues en ce moment dans le sol vosgien. Les prairies et les cultures légumières de l’an prochain sont déjà condamnées sur les secteurs concernés. « Entre mai et septembre l’an prochain, ces larves multiplieront leur taille par dix et consommeront les radicelles », explique Vincent Potaufeux. Les racines dévorées, les prairies se transformeront en paillasses sèches.
L’inquiétude des éleveurs ne cesse de croître à l’image des hannetons : « Ils sont encore plus nombreux cette année : les vols sont deux fois plus importants qu’il y a trois ans », s’inquiète Vincent Potaufeux.
Déjà bien implantés dans le sud-ouest des Vosges, ces coléoptères envahissent peu à peu d’autres zones de prairies herbagères, que ce soit de prairie de fauche ou de pâture. Ils progressent ainsi vers l’est (Remiremont) et le nord (Epinal). Il y en a même en Déodatie. La Haute-Saône et la Haute-Marne sont désormais également concernées.
Sur une production moyenne de 5 tonnes d’herbe à l’hectare, le hanneton en ingurgite une tonne en moyenne. « En août 2010 il y a eu 5 M€ de dégâts en production d’herbe », indique-t-il.
Plus encore que la prolifération de ces redoutables coléoptères, Vincent Potaufeux s’alarme de l’impuissance des éleveurs, auxquels très peu de moyens de lutte sont autorisés. « Ils n’ont plus le droit de traiter. L’Etat et l’Union européenne ont supprimé tout traitement ! Tous les trois ans, les dégâts s’amplifient et plus ça vient, plus on répond aux éleveurs que la seule chose à faire, c’est de préparer une lutte mécanique pour l’année suivante. »
Entre 400 et 600 agriculteurs sont touchés dans le département, pour environ 40 000 hectares d’herbe grignotés par la racine. « On demande juste à avoir le droit de mettre en place des moyens de lutte adaptés. » Un seul objectif : arrêter le cycle des calamités du hanneton et de ses larves.
[d’après Vosges Matin]