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  • A propos du "Métronome" de Lorànt Deutsch : Histoire officielle contre Histoire populaire

    metronome.jpgLe Métronome de Lorànt Deutsch, par inadvertances ou relâchement, semblait être passé jusqu’alors entre les gouttes des censeurs officiels. Comment se fait-il, en effet, que l’on n’ait pas repéré et arrêté à temps un tel acteur mal pensant ?

     

    Les nouveaux inquisiteurs

     

    Non content de supprimer l’enseignement de l’Histoire en terminale scientifique au lycée, les nouveaux inquisiteurs veillent maintenant à ce que l’histoire reste officielle. Rien avant 1789 et surtout pas de frontières et encore moins de patries ! Ainsi, l’Histoire enseignée se réduit-elle maintenant à l’étude de grandes thématiques, abordées dans la « longue durée » et dans un espace transfrontalier, une histoire presque idéale et sans conflits de positions, une histoire sans même d’examen chronologique des évènements.

     

    Or comment initier l’élève à la pragmatique de l’Histoire, à la notion d’événement et à l’imprévisibilité (Dominique Venner, L’imprévu dans l’Histoire, treize meurtres exemplaires, éd. Pierre-Guillaume de Roux, Paris 2012) sans jamais avoir étudié en classe, au moins une fois dans son détail le déroulement d’une grande bataille ou les conséquences hasardeuses d’un assassinat politique ? Quel professeur d’histoire de lycée est-il d’ailleurs aujourd’hui capable de citer un général d’empire, revivre comme si on y était une bataille de la guerre de cent ans ou de connaître le panthéon celtique ou germanique, une des souches vitales de l’esprit français ?

     

    Dans les nouveaux programmes du collège, tous les grands hommes tels Louis XIV et Napoléon 1er ont été occultés au profit de grandes thématiques comme "l’émergence d’un roi absolu", "la Révolution, l’empire et la guerre" ou ‘’ les guerres d’anéantissement’’. Des périodes considérées comme essentielles pour l’Histoire nationale telle la Guerre de cent ans ou de trente ans disparaissent des programmes, ou deviennent optionnelles, au profit d’ouvertures culturelles et géographiques sur "la Chine des Hans à son apogée" ou "l'empire du Mali du XIIIe au XIVe siècles".  Le curseur a été déplacé du national au mondial en sorte que le Ministère de l’Education nationale n’est plus que le Ministère de l’Education mondialiste (rajouté socialo ou libéro suivant la tendance électorale !). Quid de s’interroger un instant sur l’utilité ou non de la chronologie dans l’enseignement de l’histoire auprès d’adolescents souvent dénués de repères.

     

    L’histoire : apprendre les racines du futur 

     

    En réalité, cela fait depuis bien longtemps qu’on ne parle plus de « l’ Histoire de France » et les historiens souhaitent même en accélérer la modernisation forcée, occultant dans l’enseignement du passé tout ce qui subsisterait de la Tradition ou tout ce qui conforterait un esprit traditionnel considéré comme rétrograde. De fait, l'apprentissage de l’Histoire, depuis la fin du XIXe siècle, a toujours répondu à une triple finalité : une finalité morale, intégratrice et civique, de nature républicaine. La finalité morale, c'est l'idée selon laquelle l'étude du passé devrait apprendre l'absolu humaniste et universaliste des valeurs et le sens du relatif, conduisant à la tolérance pacifiste (sans rien entendre à la logique de la guerre comme essence du politique). 

     

    La finalité intégratrice vise à asservir l'histoire à une fonction identitaire et laïque. Quant à la finalité civique, elle repose sur l'idée que l'histoire est censée aiguiser l'esprit critique et que, dès lors, elle est une excellente propédeutique à l'exercice de la citoyenneté démocratique parlementaire, aux sentiments humanitaires ou à l’engagement ONG. Ainsi la finalité intégratrice de l’enseignement de l’Histoire s’est trouvée prisonnière elle-même d’un devoir de mémoire exacerbé par les communautés ou d’une discrimination positive faisant l’éloge au premier plan de la diversité. Elle a dû abandonner petit à petit l’idée d’une République forte au profit d’un Etat mobile et souple, paradigme d’une gouvernance mondiale, affichant pour résoudre juridiquement le conflit des valeurs une relativité des civilisations, avec ses concepts vagues de « communauté internationale » ou de « gouvernance » technocratique.

     

    Finalement, la nouvelle histoire enseignée reflète les évolutions socialo-libérales des intellectuels organiques et les nouveaux programmes ne constituent pas en soi une révolution dans la dégradation permanente de l’enseignement de la discipline. Tout au plus, déplacent-ils légèrement le curseur entre les trois pôles précédemment évoqués et finissent-ils par évacuer les grands hommes et les rois au profit de mouvements sociologiques (telle la théorie du genre ou la sociohistoire) esquissés hors de toute perspective géopolitique ou guerrière. 

     

    Alors que pendant longtemps, on a considéré que le citoyen français devait connaître sur le bout des doigts ses départements, sa géographie fluviale, la biographie des "grands hommes", les dates des grandes batailles et les grands classiques de la littérature française, on ne lui demandera en somme de ne reconnaître que ce qui les rassemble et les ressemble. En somme, la finalité morale l’a emporté sur tout le reste dans une "impolitique" généralisée, au détriment des approches intellectuelles classiques et de l’analyse scrupuleuse, scientifique et positiviste des faits.

     

    Bien sûr, tout est sans doute de bonne foi : l’introduction de chapitres sur l’Inde classique, l’empire du Ghana et la Chine des Hans n’a pas pour ambition de nier l’identité française, mais de considérer qu’à une époque où la mondialisation n’est plus un fantasme, il est grand temps d’offrir à nos enfants une ouverture culturelle nécessaire ! Alors, l'histoire au programme mais pour combien de temps encore ? Le temps de l’expiation ou de la reconquête européenne.

     

    Chez les petits maître de l’histoire, l’ouvrage de Lorànt Deutsch a fait l’effet d’une bombe ou plutôt donné l’impression de l’arrivée inopportune d’un indien dans la ville. Au début, ce fut comme un sourire narquois dans la patrie de la Révolution puis très vite, Deutsch est devenu, chez les universitaires, persona non grata, une tête à claque alors que comme nous le rappelions plus haut, l’enseignement de l’histoire vient juste d’être supprimé dans les classes de Terminale scientifique, presque sans le moindre émoi. Si l’on n’apprend plus l’Histoire de France aux enfants, c’est qu’elle est en pleine mondialisation, au stade ultime du capitalisme, dangereuse parce que surtout, ce qu’il s’agit de nous imposer, dans le cadre du Nouvel Ordre Mondial d'essence anglo-saxonne, c’est une seule identité culturelle, une seule réalité politique : l’identité planétaire et la réalité unipolaire.

     

    Les historiens  professionnels ont donc d’abord attaqué Lorànt Deutsch sur son amateurisme : comment un jeune acteur, amoureux de l’Histoire de France, pourrait-il prétendre raconter l’Histoire et faire partager cet amour aux Français ? Jalousies de pacotille d’autant que le livre a de quoi inquiéter les salles de prof : le Métronome s’est vendu à plus d’un million cinq cent mille exemplaires, sans parler du succès de la série télévisuelle qui en a été tirée. Maryline Crivello, directrice du laboratoire Telemme (MMSH) à l’université d’Aix-Marseille a dénoncé en Lorànt Deutsch l’amateur qui a osé venir piétiner les platebandes des professionnels,  « ces chercheurs ou enseignants, ces médiateurs traditionnels issus d’une culture scolaire peu valorisée et associée à des amphis poussiéreux ». 

     

    Mais pourquoi tant de reproches et tant de haines ? La lecture de la chronique « Rebonds » de Libération en ce sens est très  instructive. Ce que les historiens officiels reprochent à Deutsch c’est – je cite - un « récit fétichiste et gallo-centré ». Or, c’est exactement ce que nous reprochons aux historiens officiels et patentés de ne plus être fétichistes, de détourner les faits ou plutôt ce que nous leur reprochons, outre d’être particulièrement ennuyeux, c’est de s’attaquer surtout à l’histoire populaire au nom d’une mise en scène idéologique et multiculturaliste des faits et événements historiques, de refouler les rois et les saints catholiques en pratiquant systématiquement l’anachronisme au nom d’un militantisme laïc et partisan, d’appliquer en permanence l’amalgame et une lecture restrictive de l’Histoire de France, par exemple de l’occupation et de la résistance, de l’histoire de la Guerre d’Algérie ou du soviétisme. Bref, ce que nous leur reprochons, c’est de n’être en fait que des enseignants idéologues. 

     

    Il y a pire : les nouveaux historiens sont en fait incapables de concevoir un quelconque projet collectif. Plus que des « intellectuels spécifiques » (Michel Foucault) qui se distingueraient par la croyance maintenue en l’utilité sociale pourtant limitée de leurs « compétences » particulières, les historiens universitaires ne sont, en fait, que des intellectuels de gouvernement, représentants à l’université et à l’école du réformisme centriste qui, au travers de réseaux de pouvoir médiatiques puissants se distinguent par leur dénonciation des intellectuels « amateurs »  et du dilettantisme cultivé (Bernard Lugan, Reynald Seycher, Dominique Venner). Or, face aux crises profondes du monde social à venir, ces intellectuels de la compromission s’effaceront naturellement devant le retour du politique et de l’histoire, devant l’exemplarité de l’intellectuel critique (Alain de Benoist et ses entretiens avec François Bousquet, Mémoire vive chez de Fallois) qui ne confond pas la mode avec la vérité ou comme en ce moment, devant de simples citoyens comme Lorànt Deutsch qui n’acceptent plus de voir leur identité bradée alors qu’elle n’est que le seul patrimoine qui leur reste encore avant l’écroulement des banques ou la volonté politique du silence historique.

     

    [d'après Metamag | Michel Lhomme | 10/07/2012]