La réforme des élections cantonales, votée en avril dernier prévoit de réduire le nombre de cantons dans les Vosges de 31 à 17. La carte, qui n’est pas encore officielle, fait grincer quelques dents.
La nouvelle carte des cantons des Vosges est attendue avec beaucoup d’impatience par le petit monde politique vosgien. La réforme adoptée au printemps dernier par l’Assemblée nationale prévoit de réduire de moitié les cantons français. Le département des Vosges passera donc de 31 à seulement 17 cantons. Pour créer cette nouvelle carte des cantons, quatre ou cinq moutures différentes ont été proposées avant que le ministère de l’Intérieur ne tranche. Pour les Vosges, le critère de population à respecter pour établir les nouveaux cantons est un maximum 26 804 habitants pour un minimum de 17 869 habitants. Ce qui représente plus ou moins 20 % d’après la moyenne du département qui est de 22 337.
Les cartes sont petit à petit dévoilées dans les départements voisins. Le Conseil général de la Moselle a débattu le 13 décembre dernier. Près de 200 maires ont manifesté ceints de leur écharpe pendant le débat. Mais de toute façon, l’assemblée départementale ne rend qu’un avis.
Dans les Vosges, une version quasi-définitive de cette carte (ci-dessus) a fini par circuler. Le Conseil général indique disposer pour l’instant « d’aucune information ».
Sur le fond, le nouveau découpage des cantons répond à une logique de population, mais aussi à une logique économique, avec des cantons qui prennent en compte les principaux axes de transports. Certains y voient aussi de la manipulation politique en attribuant au président Poncelet, en tant qu’ancien président du Sénat une influence. Tout en sachant que la carte a été établie par le ministère de l’Intérieur… sous un gouvernement socialiste. Les petits cantons (Brouvelieures, Provenchères) ont disparu, mais aussi beaucoup de cantons dont les élus font partie des deux oppositions au président : les réformateurs et le groupe socialiste et républicain.
Michel Fournier, le président de l’association des maires ruraux réagit à chaud et dénonce un projet qui n’a « absolument pas tenu compte de l’intercommunalité ». « Deux solutions, ou le canton a encore un intérêt ou il ne servira à plus rien du tout et c’est un habillage ! », s’insurge-t-il. Le maire des Voivres remarque même perfidement que l’Etat compte toujours 515 communes dans les Vosges, puisque la commune de Le Magny, qui a fusionné avec Fontenoy-le-Château figure toujours sur la carte officielle.
Les cartes vont de toute façon être totalement rabattues dans les Vosges en 2015.
Lors des prochaines cantonales, il faudra écarter des hommes et surtout, 17 femmes. Actuellement, le Conseil général des Vosges compte seulement deux élues parmi les 31 conseillers généraux.
Le projet de loi prévoit que les électeurs désigneront tous les six ans, au scrutin majoritaire à deux tours, un binôme homme femme afin d’améliorer la parité.
Pour être élu au premier tour, le binôme doit obtenir au moins la majorité absolue des suffrages exprimés (plus de 50 %), et 25 % des électeurs inscrits. Au second tour, les deux binômes arrivés en tête peuvent se maintenir. Les autres peuvent se maintenir seulement s’ils ont obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % des électeurs inscrits. Le nombre de cantons sera divisé par deux (de 4 000 à 2 000). La carte des cantons est restée dans son ensemble inchangée depuis 1801.
Dans la plaine des Vosges, assez pauvre démographiquement, les quatre nouveaux (Neufchâteau, Vittel, Mirecourt et Darney) contre dix auparavant, seront très vastes, à l’instar du nouveau canton de Darney qui regroupera les feus cantons de Lamarche, Darney, Monthureux et Dompaire. Ce redécoupage respecte cependant assez bien la cohérence territoriale et la logique économique de l’ouest vosgien. Quant à l’enjeu politique de cette nouvelle carte, les opposants au président Poncelet n’auront pas forcément la partie facile. Si l’affaire paraît déjà entendue à Neufchâteau et pour Claude Philippe (Coussey) qui devrait s’incliner devant Simon Leclerc, elle s’annonce plus compliquée en revanche à Vittel entre les deux amis UMP que sont Jean-Jacques Gaultier et Luc Gerecke. Lequel des deux renoncera ? À Mirecourt, Patrice Jamis (PS) devra aller battre la campagne à Châtenois où Jean-Pierre Florentin est annoncé partant. Quant au canton de Darney, il faudra que les trois membres de la majorité départementale (Alain Roussel de Monthureux, Yannick Dars de Darney et Gérald Marulier de Dompaire) s’accordent pour trouver un candidat unique.
Les amateurs de logique vont plancher avec une certaine perplexité sur la nouvelle cartographie des cantons dans le secteur de Saint-Dié. Sans aucune concordance avec les limites de l’arrondissement de Saint-Dié, pas plus avec les circonscriptions électorales (celles des députés), la carte des reliefs ou encore les contours des intercommunalités, il est un peu difficile de trouver la cohérence. Hormis évidemment l’aspect purement démographique.
Cinq cantons disparaissent en Déodatie. Celui de Senones, rattaché à Raon-L’Etape qui gagne dix communes de l’ancien canton de Rambervillers (jusqu’à Domptail, Xaffévillers et Doncières).
Le plus petit canton des Vosges, celui de Provenchères-sur-Fave intègre logiquement le canton de Saint-Dié-Est qui accueille plusieurs communes du canton de Fraize, disparaissant lui aussi : Saint-Léonard, Mandray, La Croix-aux-Mines et Entre-deux-Eaux. Les autres communes, d’Anould au Valtin arrivent dans l’escarcelle du canton de Gérardmer, qui absorbe plusieurs communes du canton de Corcieux, également supprimé : Granges-sur-Vologne, Corcieux, Aumontzey…
Le canton de Brouvelieures disparaît lui aussi, étant rattaché à celui de Bruyères.
Dans ce contexte, les deux cantons de Saint-Dié sont gagnants. Notamment celui de Saint-Dié-Ouest qui accède en franchissant le col au secteur de Rambervillers, et rejoint à quelques kilomètres près le canton d’Epinal-Est.
Le découpage de la première circonscription (Châtel-sur-Moselle, Epinal-Est, Epinal-Ouest, Rambervillers, Xertigny), n’a visiblement pas été réalisé par une main de dentellière. Pour tenir compte des impératifs de la réforme des cantons, qui impose que les nouveaux périmètres oscillent grosso modo entre 17 000 et 26 000 habitants, les auteurs du projet ont dû faire des arbitrages douloureux.
Si l’on en croit le futur projet, deux cantons, Châtel-sur-Moselle et Xertigny, seront tout simplement rayés de la carte administrative. Le premier sera dispersé, façon puzzle, entre le nouveau canton de Golbey, le nouveau canton de Thaon-les-Vosges, le canton de Charmes et pour finir, le canton de Bruyères. Le regretté canton de Xertigny sera, pour sa part, dilué dans un grand ensemble, le nouveau canton du Val d’Ajol qui comprendra le canton de Bains-les-Bains et une large partie du canton de Plombières-les-Bains. Quant aux cantons d’Epinal-Est et Ouest, ils ne formeront plus qu’un.
Ce redécoupage va sans doute provoquer des hurlements. Comment comprendre en effet que des communes appartenant à la même intercommunalité ne fassent pas partie du même canton ? Comme Arches (canton d’Epinal) et Archettes (canton de Bruyères), ou encore la commune de Frizon, liée à celle de Nomexy et Châtel-sur-Moselle, qui se retrouvera seule dans le canton de Golbey…
« Nos concitoyens ne vont plus s’y retrouver », déclare, à chaud, alors qu’il n’a pas encore reçu “officiellement” la carte des nouveaux cantons, le député-maire d’Epinal Michel Heinrich. « A certains endroits, le nouveau découpage est surréaliste et ne respecte pas les communautés de communes. Par exemple, Châtel, qui fait partie de la communauté d’agglo d’Epinal, sera rattachée à Charmes. Ou encore la communauté de communes de la Vôge vers les rives de la Moselle qui fera partie de quatre cantons et qui sera donc représentée par huit conseillers ! Et Le Val-d’Ajol qui devient chef-lieu de canton pour Xertigny, Plombières et Bains-les-Bains… » L’élu s’interroge également sur ce qui peut bien relier la commune d’Archettes, à celle de Padoux… « C’est du grand n’importe quoi. Sauf si l’objectif était de faire basculer le département à gauche », conclut avec ironie, l’élu UMP.
Dans les Vosges du Sud, le soleil ne perce pas pour tout le monde. Le petit canton de Plombières-les-Bains, habitué à vivre à quatre (Le Val-d’Ajol, Plombières-les-Bains, Girmont-Val-d’Ajol et Bellefontaine) en haut dans sa brume entre ses quelque 7 000 habitants, va devoir s’entendre avec sa grande famille recomposée car les cantons de Xertigny, Bains-les-Bains et Le Thillot se greffent de tout leur long à ses terres. La famille change du coup de chef, le canton de Plombières-les-Bains disparaît dans le brouillard et revient avec un autre visage marqué du sceau du changement : Le Val-d’Ajol. Philippe Faivre (DVD) est cerné. Face à lui, Jackie Pierre (Xertigny, UMP) et Frédéric Drevet (Bains-les-Bains, PS), deux opposants sérieux qui pourraient faire reculer le Réformateur.
Un nouveau « grand La Bresse » cher à Guy Vaxelaire (PS) surgit de ses montagnes, à la place de Saulxures-sur-Moselotte, ancienne tête d’affiche. Il vient chatouiller les pieds, jusqu’aux genoux, du canton de Bruyères et son autre célébrité socialiste, Christian Tarantola. Pas vraiment une logique de montagne, que les élus rabâchent à longueur de SCoT (schéma de cohérence territoriale), bien que la forme rappelle celle d’un chamois. Le canton de La Bresse prend donc un peu de hauteur. Le canton de Remiremont, densément peuplé, voit, pour sa part, arriver par en dessous un bout du canton redécoupé du Thillot. Dominique Peduzzi (DVD) qui perd des habitants au gré des fermetures d’usines gratte ainsi un peu de terrain. Il ne devrait rien trouver à redire. Il récupère un bout de terre sacrée du président Christian Poncelet.
[Vosges Matin]